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PRÉFACE DE L’AUTEUR.

elle n’a jamais rien fait qui approche de ce que nous voyons aujourd’hui. Or, c’est ce que l’on apprend pas dans les historiens particuliers. On serait ridicule, si après avoir parcouru les villes les plus célèbres l’une après l’autre, ou les avoir vues peintes séparément, on s’imaginait pour cela connaître la forme de tout l’univers et en comprendre la situation et l’arrangement. Il en est de ceux qui, pour savoir une histoire particulière, se croient suffisamment instruits de tout, comme de ceux qui après avoir examiné les membres épars d’un beau corps, se mettraient en tête qu’il ne leur reste plus rien à apprendre sur sa force et sur sa beauté. Qu’on joigne ensemble et qu’on assortisse les parties, qu’on en fasse un animal parfait, soit pour le corps, soit pour l’âme, et qu’on le leur montre une seconde fois, ils reconnaîtront bientôt que la prétendue connaissance qu’ils en avaient d’abord, était bien plus un songe qu’une réalité. Sur une partie on peut bien prendre quelque idée du tout, mais jamais une notion. De même l’histoire particulière ne peut donner que de faibles lumières sur l’histoire générale. Pour prendre goût à cette étude et en faire profit, il faut joindre et approcher les événemens ; il faut en distinguer les rapports et les différences.

Nous commencerons le premier livre où finit l’histoire de Timée ; je veux dire par la première expédition que les Romains firent hors de l’Italie, ce qui arriva en la cent vingt-neuvième olympiade. Ainsi nous serons obligé de dire quand, comment et à quelle occasion, après s’être bien établi dans l’Italie, ils entreprirent d’entrer dans la Sicile, car c’est dans ce pays qu’ils portèrent d’abord leurs armes. Nous nous contenterons de dire simplement le sujet pour lequel ils sortirent de chez eux, de peur qu’à force de chercher cause sur cause, il ne nous en reste plus pour en faire le commencement et la base de notre histoire. Pour le temps, il nous faudra prendre une époque connue, dont tout le monde convienne et qui se distingue par elle-même, ce qui n’empêchera pas que, reprenant les choses d’un peu plus haut, nous ne rapportions, du moins en abrégé, tout ce qui s’est passé dans cet intervalle. Cette époque ne peut être ignorée ou même disputée, que tout ce que l’on raconte ensuite ne paraisse douteux et peu digne de foi ; au lieu que, lorsqu’elle est une fois bien établie, on se persuade aisément que tout le reste est certain.


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