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POLYBE, LIV. I.

se déclara en faveur de cette entreprise, et on en dressa un plébiscite. Appius Claudius, l’un des consuls, fut choisi pour conduire le secours, et on le fit partir pour Messine. Les Mamertins aussitôt, partie par menaces, partie par surprise, chassèrent de la citadelle le préteur qui y commandait de la part des Carthaginois, appelèrent Appius et lui ouvrirent les portes de la ville ; et l’infortuné préteur, soupçonné d’imprudence et de lâcheté, fut attaché à un gibet.

Les Carthaginois, pour reprendre Messine, firent avancer auprès du Pélore une armée navale, et placèrent leur infanterie du côté de Sénes. En même temps Hiéron profite de l’occasion qui se présentait de chasser tout-à-fait de la Sicile les Barbares qui avaient envahi Messine. Il fait alliance avec les Carthaginois, et aussitôt part de Syracuse pour les aller joindre. Il campe vis-à-vis d’eux proche la montagne nommée Chalcidique, et ferme encore le passage aux assiégés par cet endroit. Cependant Appius, général de l’armée romaine, traverse hardiment le détroit pendant la nuit, et entre dans la ville. Mais la voyant pressée de tous côtés, et faisant réflexion que ce siége pourrait bien ne pas lui faire d’honneur, les ennemis étant maîtres sur terre et sur mer, pour dégager les Mamertins, il fit d’abord parler aux Carthaginois et aux Syracusains ; mais on ne daigna pas seulement écouter ceux qu’il avait envoyés. Enfin la nécessité lui fit prendre le parti de hasarder une bataille et de commencer par attaquer les Syracusains. Il met son armée en marche, la range en bataille, et trouve heureusement Hiéron disposé à se battre. Le combat fut long. Appius remporta la victoire, repoussa les ennemis jusque dans leurs retranchemens, et, après avoir abandonné la dépouille des morts aux soldats, il reprit le chemin de Messine.

Hiéron soupçonnant quelque chose de sinistre de cette affaire, aussitôt la nuit venue, retourna promptement à Syracuse. Cette retraite rendit Appius plus hardi ; il vit bien qu’il n’y avait pas de temps à perdre et qu’il fallait attaquer les Carthaginois. Il donne ordre aux soldats de se tenir prêts, et, dès la pointe du jour, il va droit aux ennemis, en tue un grand nombre, et contraint le reste à se sauver dans les villes circonvoisines ; puis, poussant sa fortune, il fait lever le siége, ravage les campagnes des Syracusains et de leurs alliés, sans que personne ose lui résister, et pour comble met enfin le siége devant Syracuse.




CHAPITRE II.


Matière des deux premiers livres qui servent comme de préambule à l’histoire de Polybe. — Jugement que cet historien porte sur Philinus et Fabius.


Telle fut la première expédition des Romains hors de l’Italie, et les raisons pour lesquelles ils la firent alors. Rien, ce me semble, n’était plus propre à établir la première époque de notre histoire. Nous avons remonté un peu haut, pour ne laisser aucun doute sur ce qui a donné lieu à cet événement. Car, pour mettre les lecteurs en état de bien juger du faîte de grandeur où l’empire romain est parvenu, il était bon d’examiner de suite comment et en quel temps les Romains, presque chassés de leur propre patrie, commencèrent à obtenir de plus heureux succès ; en quel temps et comment, l’Italie subjuguée, ils pensèrent à étendre leurs conquêtes au dehors. Qu’on ne soit donc pas surpris si, dans la suite, parlant des états