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POLYBE, LIV. I.

dait presque comme maître de Carthage. Mais, de crainte que le consul qui devait bientôt arriver de Rome ne s’attribuât l’honneur d’avoir fini cette guerre, il exhorta les Carthaginois à la paix. Il fut écouté avec plaisir. On lui envoya les principaux de Carthage, qui conférèrent avec lui ; mais, loin d’acquiescer à rien de ce qu’on leur disait, ils ne pouvaient, sans impatience, entendre les conditions insupportables que le consul voulait leur imposer. En effet, Regulus parlait en maître, et croyait que tout ce qu’il voulait accorder devait être reçu comme une grâce et avec reconnaissance. Mais les Carthaginois, voyant que, quand même ils tomberaient en la puissance des Romains, il ne pouvait rien leur arriver de plus fâcheux que les conditions qu’on leur proposait, se retirèrent non-seulement sans avoir consenti à rien, mais encore fort offensés de la pesanteur du joug dont Regulus prétendait les charger. Le sénat de Carthage, sur le rapport de ses envoyés, résolut, quoique les affaires fussent désespérées, de tout souffrir et de tout tenter, plutôt que de rien faire qui fût digne de la gloire que leurs grands exploits leur avaient acquise.




CHAPITRE VII.


Xanthippe arrive à Carthage ; son sentiment sur la défaite des Carthaginois. — Bataille de Tunis. — Ordonnance des Carthaginois. — Ordonnance des Romains. — La bataille se donne, et les Romains la perdent. — Réflexions sur cet événement. — Xanthippe retourne dans sa patrie. — Nouveaux préparatifs de guerre.


Dans ces conjectures arrive à Carthage avec une forte recrue, un nommé Xanthippe, officier Lacédémonien, consommé dans la connaissance de l’art militaire, et qui faisait des levées en Grèce, moyennant une récompense fixée pour ce genre de services. Celui-ci, informé en détail de la défaite des Carthaginois, et considérant les préparatifs qui leur restaient, le nombre de leur cavalerie et de leurs éléphans, pensa en lui-même, et dit à ses amis, que si les Carthaginois avaient été vaincus, ils ne devaient s’en prendre qu’à l’incapacité de leurs chefs. Ce mot se répand parmi le peuple, et passe bientôt du peuple aux généraux. Les magistrats font appeler cet homme ; il vient et justifie clairement ce qu’il avait avancé. Il leur fait voir pourquoi ils avaient été battus, et comment, en choisissant toujours la plaine, soit dans les marches, soit dans les campemens, soit dans les ordonnances de bataille, ils se mettraient en état non-seulement de ne rien craindre de leurs ennemis, mais encore de les vaincre. Les chefs applaudissent, conviennent de leurs fautes et lui confient le commandement de l’armée.

Sur le petit mot de Xanthippe, on avait déjà commencé parmi le peuple à parler avantageusement et à espérer quelque chose de cet étranger ; mais quand il eut rangé l’armée à la porte de la ville, qu’il en eut fait mouvoir quelque partie en ordre de bataille, qu’il lui eut fait faire l’exercice selon les règles, on lui reconnut tant de supériorité, que l’on éclata en cris de joie, et que l’on demanda d’être au plus tôt menés aux ennemis, persuadés que sous la conduite de Xanthippe on n’avait rien à redouter. Quelque animés et pleins de confiance que parussent les soldats, les chefs leur dirent encore quelque chose pour les encourager de plus en plus, et peu de jours après l’armée se mit en marche ; elle était de douze mille hommes d’infanterie, de quatre mille chevaux et d’environ cent éléphans. Les Romains furent d’abord surpris de voir les Car-