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mettaient en avant de la première ligne, ou en réserve à la queue de l’infanterie.

Lorsque dans l’une des deux armées elle se trouvait sur les ailes, il fallait bien que dans l’autre on la plaçât de même, autrement son infanterie eût couru risque d’être prise en flanc et en queue, en même temps que l’infanterie opposée l’aurait attaquée de front. Dans cette disposition, l’affaire s’entamait assez souvent par la cavalerie ; le bon ou le mauvais succès de ce premier combat influait sur l’événement de la bataille.

Les deux cavaleries étant placées en première ligne, c’était par elles que la bataille commençait. Celle qui se trouvait forcée de plier, pouvait se ménager une retraite à droite ou à gauche, quand le terrain était libre, ou par les intervalles que son infanterie lui ouvrait. Mais il arrivait aussi que la cavalerie, victorieuse, poussant avec vigueur son avantage, la renversait sur son corps de bataille, et le mettait en désordre.

La troisième disposition était excellente pour surprendre un ennemi supérieur. Placée en dernière ligne, comme dans une embuscade ; elle attendait le moment où l’infanterie commençait à s’ébranler. Alors les soldats de chaque manipule, venant à se serrer sur leur centre, il se trouvait d’assez grands intervalles pour donner un libre passage aux turmes qui lançaient leurs chevaux à toute bride, chargeaient à l’improviste l’infanterie ennemie, et la culbutaient, ou du moins préparaient le chemin de la victoire.

On trouve, dans la guerre de Sylla contre Mithridate, un bel exemple de cette dernière disposition. C’était à Orchomène où le général romain, se voyant en tête une armée plus nombreuse que la sienne, parvint à rendre inutile cette grande supériorité. Après avoir assuré ses flancs par des tranchées larges et profondes, il plaça sa cavalerie à la queue de toutes ses troupes, et pour mieux cacher son dessein, il eut encore la précaution de remplir d’armés à la légère les intervalles du front qui devait donner une issue aux turmes. La victoire la plus complète fut le résultat de ce stratagème sagement exécuté.

Nous avons dit que les citoyens qui formaient la cavalerie avaient été nommés successivement celeres, flexumines, trossuli, et enfin equites. Ce mot garda toujours sa signification primitive ; mais, au temps des Gracques, il en prit un autre et désigna aussi ceux qui, dans le civil, composèrent un ordre nouveau qu’on nomma l’ordre équestre. Cette double acception du même mot a jeté beaucoup d’équivoque sur cette partie de la milice romaine, et il n’a pas toujours été facile de saisir la nuance qui sépare le cavalier légionnaire du chevalier romain.

L’Etat fournissait un cheval au cavalier. Mais, pour obtenir le cheval public, il ne suffisait pas d’avoir une certaine aisance, il fallait encore être sans reproche du côté des mœurs. Les censeurs faisaient l’examen des cavaliers et le réitéraient tous les ans par une revue nommée equitum probatio, qui avait lieu le 15 de juillet. Les cavaliers, en habit uniforme et en ordre de bataille, passaient devant les censeurs assis sur un tribunal dans la place publique. Cette revue était précédée d’un examen très rigoureux. On ne pardonnait aucune lâcheté ; on punissait même la mollesse et la négligence. Le temps du service, fixé à dix ans pour les cavaliers, étant terminé, ils ramenaient leur cheval au censeur.

Aulugelle rapporte que Scipion Na-