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POLYBE, LIV. II.

Le royaume passa entre les mains de Teuta sa femme, qui confia à ses amis l’administration des affaires. Cette reine, suivant les habitudes de légèreté de son sexe, ne pensait qu’à la victoire que ses sujets venaient de remporter. Sans égard pour les états voisins, elle permit d’abord à ses sujets de se livrer à la piraterie. Ensuite, ayant équipé une flotte, et levé une armée aussi nombreuse que la première, elle exerça de côté et d’autre, par ses généraux, toutes sortes d’hostilités.

Les Éléens et les Messéniens furent les premiers à s’en ressentir. Jamais ces deux pays n’étaient en repos ni en sûreté contre les Illyriens, parce que, la côte étant fort étendue, et les villes dont ils dépendent, bien avant dans les terres, les secours qu’ils en pouvaient tirer étaient trop faibles et trop lents pour empêcher la descente des Illyriens, qui par cette raison fondaient sur eux sans crainte, et mettaient tout au pillage. Ils avaient poussé un jour jusqu’à Phénice, ville d’Épire, pour y chercher des vivres. Là, s’abouchant avec des Gaulois qui y étaient en garnison, à la solde des Épirotes, au nombre d’environ huit cents, ils prirent avec eux des mesures pour se rendre maîtres de la ville. Les Gaulois donnent les mains au complot ; les Illyriens font une descente, emportent la ville d’assaut, et s’emparent de tout ce qu’ils y trouvent. À cette nouvelle les Épirotes se mettent sous les armes. Arrivés à Phénice, ils campent devant la ville, ayant devant eux la rivière, et pour être plus en sûreté ils enlèvent les planches du pont qui était dessus. Sur l’avis qu’ils reçoivent ensuite que Skerdilaïde arrivait par terre à la tête de cinq mille Illyriens, qu’il faisait filer par les détroits qui sont proches d’Antigonée, ils envoient un détachement à la garde de cette ville, et du reste se tranquillisent, font bonne chère aux dépens du pays, et ne s’embarrassent pas du service du camp. Les Illyriens, avertis que les Épirotes avaient divisé leurs forces et que le service se faisait avec nonchalance, partent de nuit, jettent des planches sur le pont, passent dessus, puis, s’emparant d’un poste avantageux, ils demeurent là jusqu’au jour. Alors on se met de part et d’autre en bataille devant la ville. Les Épirotes sont défaits. On en tua un grand nombre ; beaucoup plus furent faits prisonniers ; le reste se sauva chez les Atintaniens.

Après cette défaite, ne voyant plus chez eux-mêmes de quoi se soutenir, ils députèrent aux Étoliens et aux Achéens pour les supplier de venir à leurs secours. Ces peuples touchés de compassion se mettent en marche, et vont à Hélicrane ; là se rendent aussi les Illyriens qu’avait amenés Skerdilaïde, et qui s’étaient emparés de Phénice. Ils se postent auprès des Étoliens et des Achéens, dans le dessein de leur donner bataille. Mais outre que le terrain était désavantageux, ils reçurent de Teuta des lettres qui les obligeaient de revenir incessamment dans l’Illyrie, parce qu’une partie de ce royaume s’était tournée du côté des Dardaniens. Ainsi, après avoir ravagé l’Épire, ils firent une trêve avec les Épirotes ; leur rendirent, avec la ville de Phénice, ce qu’ils avaient pris sur eux d’hommes libres, pour une somme d’argent ; et ayant chargé sur des barques les esclaves et le reste de leur bagage, les uns se mirent en mer, les autres, que Skerdilaïde avait amenés, s’en retournèrent à pied par les défilés d’Antigonée. Cette expédition répandit une extrême frayeur parmi les Grecs qui habitaient le long

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