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POLYBE, LIV. II.

de la côte. Auparavant ils craignaient pour leurs campagnes ; mais depuis que Phénice, la ville de toute l’Épire la plus forte et la plus puissante, avait passé sous d’autres lois d’une façon si extraordinaire, ils crurent qu’il n’y avait plus de sûreté ni pour eux-mêmes ni pour leurs villes.

Les Épirotes remis en liberté, loin de se venger des Illyriens, ou de marquer leur reconnaissance aux états qui les avaient secourus, envoyèrent des ambassadeurs à Teuta, et de concert avec les Acarnaniens, firent alliance avec cette reine, alliance en vertu de laquelle ils prirent dans la suite les intérêts des Illyriens contre les deux peuples qui les en avaient délivrés ; aussi grossièrement ingrats à l’égard de leurs bienfaiteurs qu’ils avaient auparavant été peu habiles à se conserver Phénice ! Que nous tombions quelquefois dans des malheurs que nous n’avons pu ni prévoir ni éviter, c’est une suite de l’humanité ; nous n’en sommes pas responsables ; on en rejette la faute ou sur la fortune, ou sur quelque trahison ; mais quand le péril est évident et que l’on n’y tombe que faute de jugement et de prudence, alors on ne doit s’en prendre qu’à soi-même. Un revers de fortune attendrit, est excusé, attire du secours ; une sottise, une grossière imprudence, ne méritent de la part des gens sages que de l’indignation et des reproches. C’est aussi la justice que les Grecs rendirent aux Épirotes. Sachant que les Gaulois passaient communément pour suspects, pouvaient-ils sans témérité leur confier en garde une ville riche, puissante et qui par mille endroits excitait leur cupidité ? Pourquoi ne se pas défier d’un corps de troupes chassé de son pays par sa propre nation, pour les perfidies qu’ils avaient faites à leurs amis et leurs parens, dont plus de trois mille hommes, reçus ensuite par les Carthaginois qui étaient alors en guerre, avaient pris occasion d’un soulèvement des soldats contre les chefs au sujet de la solde, pour piller Agrigente, où ils avaient été mis pour la garder ; qui jetés ensuite dans Éryce pour la défendre contre les Romains qui l’assiégeaient, après avoir inutilement tenté de la leur livrer par trahison, s’étaient venus rendre dans leur camp ; qui, jetés ensuite dans Éryce sur leur bonne foi par les Romains, avaient pillé le temple de Vénus Érycine ; qui enfin aussitôt après la guerre de Sicile, connus par les Romains pour des traîtres et des perfides, avaient été dépouillés de leurs armes, mis sur des vaisseaux et chassés de toute l’Italie ? Après cela était-il de la prudence, de confier à des gens de cette trempe la garde d’une république et d’une ville très-puissante ? Et les Épirotes ne furent-ils pas bien les artisans de leurs malheurs ? cette imprudence valait la peine d’être remarquée ; elle apprendra qu’en bonne politique, il ne faut jamais introduire une trop forte garnison, surtout lorsqu’elle est composée d’étrangers et de Barbares.




CHAPITRE II.


Plaintes portées au sénat romain contre les Illyriens. — Succès de l’ambassade envoyée de sa part à Teuta, leur reine. — Les Illyriens entrent par surprise dans Épidamne, et en sont chassés. — Combat naval auprès de Paxès, et prise de Corcyre pas les Illyriens. — Descente des Romains dans l’Illyrie. — Exploits de Fulvius, et de Posthumius, consuls romains. — Traité de paix entre eux et la reine.


Long-temps avant la prise de Phénice, les Illyriens avaient assez souvent inquiété ceux qui par mer venaient d’Italie. Mais pendant leur séjour dans