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POLYBE, LIV. II.

maintenant aux affaires d’Espagne que nous avons laissées.




CHAPITRE III.


Construction de Carthage-la-Neuve par Asdrubal. — Traité des Romains avec ce grand capitaine. — Abrégé de l’histoire des Gaulois. — Description de la partie de l’Italie qu’ils occupaient.


Asdrubal, revêtu du commandement des armées, se fit beaucoup d’honneur dans cette dignité par son intelligence et par sa conduite. Entre les services qu’il rendit à l’état, un des plus importans, et qui contribua le plus à étendre la puissance de sa république, fut la construction d’une ville, que quelques-uns appellent Carthage, et les autres Ville-Neuve ; ville dans la situation la plus heureuse, soit pour les affaires d’Espagne, soit pour celles de l’Afrique. Nous aurons ailleurs une occasion plus favorable de décrire cette situation et les avantages que ces deux pays en peuvent tirer. Les grandes conquêtes qu’Asdrubal avait déjà faites, et le degré de puissance où il était parvenu, firent prendre aux Romains la résolution de penser sérieusement à ce qui se passait en Espagne. Ils se trouvèrent coupables de s’être endormis sur l’accroissement de la domination des Carthaginois, et songèrent tout de bon à réparer cette faute.

Ils n’osèrent pourtant alors ni leur prescrire des lois trop dures, ni prendre les armes contre eux ; ils avaient assez à faire de se tenir en garde contre les Gaulois, dont ils étaient menacés, et que l’on attendait presque de jour en jour. Il leur parut qu’il était plus à propos d’user de douceur avec Asdrubal, jusqu’à ce que par une bataille ils se fussent débarrassés des Gaulois, ennemis qui n’épiaient que l’occasion de leur nuire, et dont il fallait nécessairement qu’ils se défissent, non-seulement pour se rendre maîtres de l’Italie, mais encore pour demeurer paisibles dans leur propre patrie. Ils envoyèrent donc des ambassadeurs à Asdrubal, et dans le traité qu’ils firent avec lui, sans faire mention du reste de l’Espagne, ils exigeaient seulement qu’il ne portât pas la guerre au-delà de l’Èbre : ces conditions acceptées, ils tournèrent toutes leurs forces contre les Gaulois.

À propos de ce peuple, nous ne ferons pas mal d’en donner ici l’histoire en raccourci, et de la reprendre au temps où il s’était emparé d’une partie de l’Italie : le dessein que je me suis proposé dans mes deux premiers livres, réclame cette esquisse. D’ailleurs, outre que cette histoire est digne d’être connue et transmise à la postérité, elle est encore nécessaire pour connaître quel pays Annibal eut la hardiesse de traverser, et à quels peuples il osa se fier, lorsqu’il forma le projet de renverser l’empire romain. Mais montrons d’abord quel est, et comment est situé, par rapport au reste de l’Italie, le terrain que les Gaulois occupaient ; cette description aidera beaucoup à faire concevoir ce qu’il y aura de remarquable dans les actions qui s’y sont passées.

Toute l’Italie forme un triangle, dont l’un des côtés, qui est à l’orient, est terminé par la mer d’Ionie et le golfe Adriatique qui lui est adjacent, et l’autre, qui est au midi et à l’occident, par la mer de Sicile et celle de Tyrrhénie. Ces deux côtés, se joignant ensemble, font la pointe du triangle, et cette pointe, c’est ce promontoire d’Italie qu’on appelle Cocinthe, et qui sépare la mer d’Ionie de celle de Sicile. Au troisième côté, qui regarde le septentrion et le milieu des terres, sont les