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Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/416

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POLYBE, LIV. II.

vers la droite, quitte les plaines, et, traversant par le milieu tout le reste de l’Italie, va gagner la mer de Sicile. Ces plaines, dont l’Apennin s’écarte, s’étendent jusqu’à la mer et à la ville de Sène.

Le Pô, que les poètes ont tant célébré sous le nom d’Éridan, prend sa source dans les Alpes, à la pointe du dernier triangle dont nous avons parlé ; il prend d’abord son cours vers le midi, et se répand dans les plaines ; mais à peine y est-il entré, qu’il se détourne du côté du levant, et va, par deux embouchures, se jeter dans la mer Adriatique. Il se partage dans la plaine, mais de telle sorte, que le bras le plus gros est celui qui coule vers les Alpes et la mer Adriatique. Il roule autant d’eau qu’aucune autre rivière d’Italie, parce que tout ce qui sort d’eau des Alpes et des Apennins, du côté des plaines, tombe dans son lit, qui est fort large et fort beau, surtout lorsqu’au retour de la belle saison, il est rempli par les neiges fondues qui s’écoulent des montagnes dont nous parlions tout à l’heure. On remonte ce fleuve sur des vaisseaux, par l’embouchure nommée Olana, depuis la mer jusqu’à l’espace d’environ 2 000 stades. Au sortir de sa source, il n’a qu’un lit, et le conserve jusque chez les Trigaboles, où il se divise en deux. L’embouchure de l’un s’appelle Padoa, et celle de l’autre Olana, où est un port qui, pour la sûreté de ceux qui y abordent, ne le cède à aucun autre de la mer Adriatique. Ce fleuve est appelé, par les gens du pays, Bodencus.

On me dispensera bien de discuter ici tout ce que les Grecs racontent de ce fleuve, l’affaire de Phaéton et sa chute, les larmes des peupliers, la nation noire qui habite le long du fleuve, et qui porte encore le deuil de Phaéton, et en un mot tout ce qui regarde cette histoire tragique, et peut-être d’autres semblables. Une exacte recherche de ces sortes de choses ne convient pas à un préambule. Cependant nous en dirons ce qu’il faudra dans une autre occasion, ne fût-ce que pour faire connaître l’ignorance de Timée sur les lieux que nous venons de décrire.

Ces plaines, au reste, étaient autrefois occupées par les Tyrrhéniens, lorsque, maîtres du pays où est Capoue et Nole, et qu’on appelle les champs Phlégréens, ils se rendirent célèbres par la généreuse résistance qu’ils firent à l’ambition de plusieurs voisins. Ainsi, ce qui se lit dans les historiens des dynasties de ce peuple, il ne faut point l’entendre du pays qu’ils occupent à présent, mais des plaines dont j’ai parlé, et qui leur fournissaient toutes les facilités possibles pour s’agrandir. Depuis, les Gaulois qui leur étaient voisins, et qui ne voyaient qu’avec un œil jaloux la beauté du pays, s’étant mêlés avec eux par le commerce, tout d’un coup, sur un léger prétexte, fondirent avec une grosse armée sur les Tyrrhéniens, les chassèrent des environs du Pô, et s’y mirent en leur place. Vers la source de ce fleuve étaient les Laëns et les Lébiciéens ; ensuite les Insubriens, nation puissante et fort étendue ; et après eux les Cénomans ; auprès de la mer Adriatique, les Vénètes, peuple ancien qui avait à peu près les mêmes coutumes et le même habillement que les autres Gaulois, mais qui parlait une autre langue. Ces Vénètes sont célèbres chez les poètes tragiques, qui ont débité sur eux force prodiges. Au delà du Pô, autour de l’Apennin, les premiers qui se présentaient étaient les Anianes, ensuite les Boïens ; après eux, vers la mer Adriatique, les Lingonais, et enfin, sur la côte, les Sénonais. Voilà les na-