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POLYBE, LIV. II.

les pluies furent si grosses, et la peste ravagea tellement l’armée des Romains, qu’ils ne firent rien de plus pendant cette campagne.

L’année suivante, Publius Furius et Caïus Flaminius se jetèrent encore dans la Gaule, par le pays des Anamares, peuple assez peu éloigné de Marseille. Après leur avoir persuadé de se déclarer en leur faveur, ils entrent dans le pays des Insubriens, par l’endroit où l’Adda se jette dans le Pô. Ayant été fort maltraités au passage et dans leurs campemens, et mis hors d’état d’agir, ils firent un traité avec ce peuple et sortirent du pays. Après une marche de plusieurs jours, ils passèrent le Cluson, entrèrent dans le pays des Cénomans, leurs alliés, avec lesquels ils revinrent fondre, par le bas des Alpes, sur les plaines des Insubriens, où ils mirent le feu et saccagèrent tous les villages. Les chefs de ce peuple voyant les Romains dans une résolution fixe de les exterminer, prirent enfin le parti de tenter la fortune et de risquer le tout pour le tout : pour cela, ils rassemblent en un même endroit tous les drapeaux, même ceux qui étaient relevés d’or, qu’ils appelaient les drapeaux immobiles, et qui avaient été tirés du temple de Minerve. Ils font provision de toutes les munitions nécessaires, et, au nombre de cinquante mille hommes, ils vont hardiment et avec un appareil terrible se camper devant les ennemis.

Les Romains, de beaucoup inférieurs en nombre, avaient d’abord dessein de faire usage, dans cette bataille, des troupes gauloises qui étaient de leur armée ; mais, sur la réflexion qu’ils firent que les Gaulois ne se font pas scrupule d’enfreindre les traités, et que c’était contre les Gaulois que le combat devait se donner, ils craignirent d’employer ceux qu’ils avaient dans une affaire si délicate et si importante, et, pour se précautionner contre toute trahison, ils les firent passer au‑delà de la rivière, et plièrent ensuite les ponts. Pour eux, ils restèrent en‑deçà, et se mirent en bataille sur le bord, afin qu’ayant derrière eux une rivière qui n’était pas guéable, ils n’espérassent de salut que de la victoire.

Cette bataille est célèbre par l’intelligence avec laquelle les Romains s’y conduisirent. Tout l’honneur en est dû aux tribuns, qui instruisirent l’armée en général, et chaque soldat en particulier, de la manière dont on devait combattre. Ceux‑ci, dans les combats précédens, avaient observé que le feu et l’impétuosité des Gaulois, tant qu’ils n’étaient pas entamés, les rendaient, à la vérité, formidables dans le premier choc ; mais que leurs épées n’avaient pas de pointe, qu’elles ne frappaient que de taille et qu’un seul coup ; que le fil s’en émoussait, et qu’elles se pliaient d’un bout à l’autre ; que si les soldats, après le premier coup, n’avaient pas le temps de les appuyer contre terre et de les redresser avec le pied, le second n’était d’aucun effet. Sur ces remarques, les tribuns distribuent entre les manipules de la première ligne les piques des triaires qui avaient leur poste en arrière, commandant à ces derniers de se servir de leurs épées. On attaque de front les Gaulois, qui n’eurent pas plus tôt porté les premiers coups, que leurs sabres leur devinrent inutiles. Alors les Romains fondent sur eux l’épée à la main, sans que ceux‑ci puissent faire aucun usage des leurs, au lieu que les Romains, ayant des épées pointues et bien affilées, frappent d’estoc et non pas de taille. Portant donc alors des coups et sur la poitrine et au visage des Gaulois, et faisant plaie sur plaie, ils en jetèrent

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