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POLYBE, LIV. II.

la plus grande partie sur le carreau. La prévoyance des tribuns leur fut d’un grand secours dans cette occasion ; car le consul Flaminius ne paraît pas, dans cette occasion, s’être conduit avec courage. Rangeant son armée en bataille sur le bord de la même rivière, et ne laissant par là aux cohortes aucun espace pour reculer, il ôtait à la manière de combattre des Romains ce qui lui est particulier. Si, pendant le combat, les ennemis avaient pressé et gagné tant soit peu de terrain sur son armée, elle eût été renversée et culbutée dans la rivière. Heureusement le courage des Romains les mit à couvert de ce danger. Ils firent un butin immense, et, enrichis de dépouilles considérables, ils reprirent le chemin de Rome.

L’année suivante les Gaulois envoyèrent demander la paix ; mais les deux consuls, Marcus Claudius et Cn. Cornelius ne jugèrent pas à propos qu’on la leur accordât. Les Gaulois rebutés se disposèrent à faire un dernier effort. Ils allèrent lever à leur solde chez les Gésates, le long du Rhône, environ trente mille hommes qu’ils tinrent en haleine, en attendant que les ennemis vinssent. Au printemps les consuls entrèrent dans le pays des Insubriens, et, s’étant campés proche d’Acerres, ville située entre le Pô et les Alpes, ils y mettent le siége. Comme ils s’étaient les premiers emparés des postes avantageux, les Insubriens ne purent aller au secours ; cependant, pour en faire lever le siége, ils firent passer le Pô à une partie de leur armée, entrèrent dans les terres des Adréens, et assiégèrent Clastidium. À cette nouvelle, Marcus Claudius, à la tête de la cavalerie et d’une partie de l’infanterie, court au secours des assiégés. Sur le bruit que les Romains approchent, les Gaulois laissent là Clastidium, viennent au devant des ennemis et se rangent en bataille. La cavalerie fond sur eux avec impétuosité, ils soutiennent avec fermeté le premier choc ; mais cette cavalerie les ayant ensuite enveloppés et attaqués en queue et en flanc, ils plièrent de toutes parts. Une partie fut culbutée dans la rivière, le plus grand nombre fut passé au fil de l’épée. Les Gaulois qui étaient dans Acerres abandonnèrent la ville aux Romains, et se retirèrent à Milan, qui est la capitale des Insubriens.

Cornelius se met sur‑le‑champ aux trousses des fuyards, et paraît tout d’un coup devant Milan. Sa présence tint d’abord les Gaulois en respect ; mais il n’eut pas sitôt repris la route d’Acerres, qu’ils fondent sur lui, chargent vivement son arrière‑garde, en tuent une bonne partie, et mettent l’autre partie en fuite. Le consul fait avancer l’avant‑garde, et l’encourage à faire tête aux ennemis ; l’action s’engage : les Gaulois, fiers de l’avantage qu’ils venaient de remporter, tiennent ferme quelque temps ; mais, bientôt enfoncés, ils prirent la fuite vers les montagnes. Cornelius les y poursuivit, ravagea le pays et emporta de force la ville de Milan. Après cette déroute, les chefs des Insubriens, ne prévoyant plus d’occasion de se relever, se rendirent aux Romains à discrétion.

Ainsi se termina la guerre contre les Gaulois. Il ne s’en est pas vu de plus formidable, si l’on en veut juger par l’audace désespérée des combattans, par les combats qui s’y sont livrés, et par le nombre de ceux qui y ont perdu la vie en bataille rangée ; mais, à la regarder du côté des vues qui ont porté les Gaulois à prendre les armes et l’imprudence avec laquelle chaque chose s’y est faite, il n’y eut jamais de guerre plus méprisable, par la raison que ces peuples, je ne dis pas dans la plupart