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POLYBE, LIV. II.

plot était déjà formé entre eux pour perdre les Achéens.

Après la mort d’Antigonus, les Achéens ayant fait alliance avec les Étoliens, et s’étant joints avec eux dans la guerre contre Demetrius, les anciennes inimitiés se dissipèrent, et firent place à l’alliance et à l’amitié. La mort de Demetrius, qui arriva la dixième année de son règne, et vers le temps de la première irruption des Romains dans l’Illyrie, avança encore le projet des Achéens, car tous les petits rois du Péloponnèse se virent par cette mort dans une fâcheuse extrémité. Ils avaient perdu leur chef, pour ainsi dire, et celui dont ils attendaient toute leur récompense. D’un autre côté Aratus les pressait, résolu de leur faire entièrement abandonner l’autorité et la domination. Il comblait de présens et d’honneurs ceux qui entraient dans ses sentimens : ceux qui résistaient, il les menaçait des plus grands malheurs. Il fit tant, qu’enfin ces petits rois se déterminèrent à se démettre de leur royauté, à rendre la liberté à leurs peuples, et à se joindre à la république des Achéens. Lysiadas de Mégalopolis, homme prudent et sage, prévoyant bien ce qui devait arriver, se dépouilla de bon gré de la puissance royale, du vivant même de Demetrius, et entra dans le gouvernement des Achéens. Il fut suivi d’Aristomachus, tyran des Argiens, de Xénon, tyran des Hermioniens, et de Cléonyme, tyran des Phliasiens.

Ces jonctions ayant augmenté considérablement la puissance des Achéens, les Étoliens, naturellement méchans et avides d’acquérir, en conçurent de la jalousie. Comme ils avaient autrefois partagé les villes des Acarnaniens avec Alexandre, et qu’ils s’étaient proposé de partager encore celles des Achéens avec Antigonus Gonatas, ils espérèrent encore pouvoir faire la même chose. Dans cette vue, ils eurent la témérité de faire alliance avec Antigonus, qui commandait alors dans la Macédoine, et qui était tuteur du jeune Philippe, et avec Cléomène, roi des Lacédémoniens. Ils voyaient qu’Antigonus, qui était paisible maître de la Macédoine, avait une haine mortelle contre les Achéens, et se déclarait ouvertement leur ennemi, parce qu’ils lui avaient emporté l’Acrocorinthe par surprise : ils croyaient que, s’ils pouvaient inspirer cette haine aux Lacédémoniens, et joindre les forces de ce peuple aux leurs, les Achéens ainsi enveloppés et attaqués à propos seraient facilement accablés. La chose n’aurait pas manqué de réussir selon leur projet ; mais ils ne pensaient pas à ce qui méritait pourtant toutes leurs réflexions, c’est qu’ils avaient affaire à Aratus, l’homme du monde qui s’entendait le mieux à se tirer des conjonctures les plus embarrassantes. Ils eurent beau vouloir embrouiller les affaires et faire une guerre injuste aux Achéens, rien de ce qu’ils avaient projeté ne leur réussit. Tous leurs efforts ne servirent qu’à augmenter la puissance d’Aratus, qui était alors à la tête des affaires, et celle de la nation, Aratus s’opposant à tous leurs desseins et renversant tous leurs projets. Nous allons voir comment les choses se passèrent.




CHAPITRE IX.


Guerre de Cléomène. — Raisons qu’avait Aratus pour l’entreprendre. — Il pense à se liguer avec Antigonus. — Députation de la part des Mégalopolitains pour ce sujet.


Aratus, voyant que, si les Étoliens avaient honte de déclarer ouvertement