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POLYBE, LIV. II.

l’estimation ne monta en tout qu’à cinq mille sept cent cinquante talens. Après cela peut‑on douter de ce que je viens d’avancer du Péloponnèse ?

Que l’on ait tiré alors de Mégalopolis plus de trois cents talens, c’est ce que l’on n’aurait osé assurer, quelque envie que l’on eût d’exagérer les choses ; car il est constant que la plupart des hommes libres et des esclaves s’étaient retirés à Messène. Et une autre preuve à laquelle il n’y a point de réplique : selon Phylarque lui‑même, les Mantinéens ne le cèdent aux peuples d’Arcadie ni en forces ni en richesses. Cependant, après que leur ville eut été prise, quoique personne n’en fût sorti, et qu’il ne fût pas aisé aux habitans de rien cacher, tout le butin, en comptant même les hommes, ne dépassa pas trois cents talens.

Ce qu’il assure au même endroit est encore plus surprenant, disant que, dix jours avant la bataille, il vint un ambassadeur, de la part de Ptolémée, dire à Cléomène que ce prince ne jugeait plus à propos de lui fournir de l’argent, et qu’il l’exhortait à faire la paix avec Antigonus ; que celui‑ci, après avoir entendu l’ambassadeur, jugea qu’il fallait au plus tôt livrer la bataille avant que cette nouvelle parvînt à la connaissance de l’armée, parce qu’il ne croyait pas pouvoir par lui‑même payer ses troupes. Or, si dans ce temps‑là il avait eu six mille talens, il aurait surpassé Ptolémée même en richesses ; quand même il n’en aurait eu que trois cents, ç’aurait été autant qu’il en fallait pour soutenir tranquillement la guerre contre Antigonus. Notre historien n’y pense donc pas, lorsqu’après avoir fait Cléomène si puissamment riche, il le met en même temps dans la nécessité de tout attendre du secours de Ptolémée. Il a commis grand nombre de fautes pareilles par rapport au temps dont nous parlons, et dans tout le cours de son ouvrage. Mais ce que sous venons de dire suffit pour en faire juger, et d’ailleurs le dessein que je me suis d’abord proposé ne me permet pas d’en relever d’avantage.




CHAPITRE XIII.


Irruption de Cléomène dans le pays des Argiens. — Détail des forces de Cléomène et d’Antigonus. — Prélude de la bataille. — Disposition des deux armées.


Après la prise de Mégalopolis, pendant qu’Antigonus prenait ses quartiers d’hiver à Argos, Cléomène au commencement du printemps assembla ses troupes, et leur ayant dit, pour les animer à bien faire, tout ce que les conjonctures demandaient, il se jeta sur le pays des Argiens. Il y eut bien des gens qui regardèrent cet acte comme téméraire, parce que les avenues de la province étaient bien fortifiées. Mais, à penser juste, il n’avait rien à craindre, et il fit en homme sage. Les troupes d’Antigonus congédiées, il était aisé de juger premièrement qu’il pouvait sans risque fondre sur le pays ; et que quand il aurait porté le pillage jusqu’au pied des murailles, les Argiens, sous les yeux desquels cela se passerait, ne manqueraient pas d’en savoir mauvais gré à Antigonus, et d’en faire des plaintes amères : que si Antigonus, pour calmer le murmure du peuple, sortait de la ville et hasardait une bataille avec ce qu’il avait actuellement de troupes, Cléomène avait tout lieu de croire qu’il remporterait aisément la victoire ; et qu’au contraire, si Antigonus demeurait dans son premier dessein et restait tranquille, son irruption avait donné l’épouvante

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