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POLYBE, LIV. II.

reculer petit à petit, et gagner ainsi sans danger la hauteur. Par cette manœuvre il eût jeté la confusion dans les rangs des ennemis, il les eût empêchés de faire usage de leurs armes et de leur ordre de bataille, et favorisé comme il l’était par la situation des lieux, il les eût entièrement mis en fuite. Mais, se flattant que la victoire ne pouvait lui manquer, il fit tout le contraire de ce que je viens de dire. Il resta sur le sommet où il avait été d’abord posté, croyant apparemment qu’on ne pouvait laisser monter trop haut les ennemis, afin de les faire fuir ensuite par une descente raide et escarpée. Cependant il n’en fut rien. Au contraire, comme il ne s’était pas gardé de terrain pour reculer, et que ses adversaires approchaient en bon ordre, il se vit enfin si serré, qu’il fut obligé de combattre sur la croupe même de la montagne. Ses troupes ne soutinrent pas long-temps la pesanteur de l’armure et de l’ordre de bataille. Les Illyriens aussitôt se mirent en état de combattre, mais Euclidas, qui n’avait de terrain ni pour reculer ni pour changer de place, fut bientôt renversé et obligé de prendre la fuite par les descentes raides et escarpées qui achevèrent de mettre son armée en déroute.

Pendant ce temps‑là, la cavalerie était aux mains. Celle des Achéens se battait vivement, et surtout Philopœmen, parce que cette bataille devait décider de leur liberté. Celui‑ci eut dans cette action un cheval tué sous lui, et, combattant pied à pied, il reçut un coup qui lui traversa les deux cuisses.

Au mont Olympe, les deux rois firent commencer le combat par les soldats armés à la légère et les étrangers, dont ils avaient environ chacun cinq mille. Comme l’action se passait sous les yeux des deux rois et des deux armées, ces troupes s’y signalèrent, soit qu’elles combattissent par parties, soit que la mêlée fût générale. Homme contre homme, rang contre rang se battaient avec la plus grande opiniâtreté. Cléomène, voyant que son frère avait été mis en fuite, et que la cavalerie qui était dans la plaine commençait à plier, craignit que l’armée ennemie ne vînt fondre sur lui de tous les côtés, et se crut obligé de renverser tous les retranchemens de son camp, et d’en faire sortir par un côté toute son armée de front. Les trompettes ayant donné aux hommes armés à la légère le signal de se retirer de l’espace qui était entre les deux camps, les phalanges s’approchent avec de grand cris de part et d’autre, tournent leurs sarisses et commencent à charger. L’action fut vive : tantôt les Macédoniens reculaient, pressés par la valeur des Lacédémoniens ; tantôt ceux‑ci étaient repoussés par la pesanteur de la phalange macédonienne. Enfin, les troupes d’Antigonus, s’avançant piques baissées, et tombant sur les Lacédémoniens avec cette violence qui fait la force de la phalange doublée, les chassèrent de leurs retranchemens. Ce fut une déroute générale : une grande partie des Lacédémoniens furent tués, le reste prit la fuite en désordre. Il ne resta autour de Cléomène que quelques cavaliers, avec lesquels il se retira à Sparte ; de là, dès que la nuit fut venue, il descendit à Gytium, où il s’embarqua sur les vaisseaux qu’il faisait tenir prêts depuis long-temps, et fit voile avec ses amis pour Alexandrie.

Antigonus entra d’emblée dans Sparte. On ne peut rien ajouter à la douceur et à la générosité dont il usa envers les Lacédémoniens. Il remit leur république dans l’état où leurs pères la leur avaient laissée, et peu de jours après,