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POLYBE, LIV. III.

continent qui s’étend vers le midi ou est environnée de la mer, nous ne connaissons rien non plus de l’espace qui est entre le Tanaïs et Narbonne jusqu’au septentrion. Peut-être que dans la suite en multipliant nos investigations nous en apprendrons quelque chose. Mais on peut hardiment assurer que tous ceux qui en parlent ou qui en écrivent aujourd’hui, parlent et écrivent sans savoir, et ne nous débitent que des fables. Voilà ce que j’avais à dire pour rendre ma narration plus claire à ceux qui n’ont aucune connaissance des lieux : ils peuvent maintenant rapporter ce qu’on leur dira aux différentes parties de la terre, en se réglant sur celles de l’univers en général. Car, comme en regardant on a coutume de tourner le visage vers l’endroit qui nous est désigné ; de même, en lisant il faut nous transporter en esprit dans tous lieux dont on nous parle. Mais il est temps de reprendre la suite de notre histoire.




CHAPITRE VIII.


Chemin qu’Annibal eut à faire pour passer de Carthage-la-Neuve en Italie. — Les Romains se disposent à porter la guerre en Afrique. — Troubles que leur suscitent les Boïens. — Annibal arrive au Rhône, et le passe.


Les Carthaginois, dans le temps qu’Annibal partit, étaient maîtres de toutes les provinces d’Afrique qui sont sur la Méditerranée, depuis les autels des Philéniens, qui sont le long de la grande Syrte, jusqu’aux colonnes d’Hercule, ce qui fait une côte de plus de seize mille stades de longueur. Puis, ayant passé le détroit où sont les colonnes d’Hercule, ils se soumirent toute l’Espagne jusqu’aux rochers où, du côté de notre mer, aboutissent les monts Pyrénées, qui divisent les Ibères d’avec les Gaulois. Or, de ces rochers aux colonnes d’Hercule il y a environ huit mille stades ; car on en compte trois mille depuis les colonnes jusqu’à Carthagène ou la nouvelle Carthage, comme d’autres l’appellent. Depuis cette ville jusqu’à l’Èbre, il y en a deux mille deux cents ; depuis là jusqu’à Emporium, seize cents, et tout autant d’Emporium au passage du Rhône ; car les Romains ont distingué cette route avec soin par des espaces de huit stades. Depuis le passage du Rhône, en allant vers ses sources jusqu’au commencement des Alpes, d’où l’on va en Italie, on compte quatorze cents stades. Les hauteurs des Alpes, après lesquelles on se trouve dans les plaines d’Italie qui sont le long du Pô, s’étendent encore à douze cents stades. Il fallait donc qu’Annibal traversât environ neuf mille stades pour venir de la nouvelle Carthage en Italie. Il avait déjà fait presque la moitié de ce chemin ; mais ce qu’il lui en restait à faire était le plus difficile.

Il se préparait à faire passer à son armée les détroits des monts Pyrénées, où il craignait fort que les Gaulois ne l’arrêtassent ; lorsque les Romains apprirent, par les ambassadeurs envoyés à Carthage, ce qui s’y était dit et résolu, et qu’Annibal avait passé l’Èbre avec son armée. Aussitôt on prit la résolution d’envoyer en Espagne une armée sous le commandement de Publius Cornelius, et une autre en Afrique, sous la conduite de Tiberius Sempronius. Pendant que ces deux consuls levaient des troupes et faisaient les autres préparatifs, on se pressa de finir ce qui regardait les colonies, qu’on avait auparavant décidé d’envoyer dans la Gaule Cisalpine. On enferma les villes