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POLYBE, LIV. III.

lieu, parce qu’il n’aurait à combattre que contre de nouvelles levées, sans expérience ; et enfin pour ne pas laisser à Publius le temps de se trouver à l’action. Mais sa plus forte raison était de faire quelque chose, et de ne pas laisser le temps se perdre inutilement ; car rien n’est plus important pour un général qui entre avec une armée dans un pays ennemi et qui entreprend une conquête extraordinaire, que de renouveler par des exploits continuels les espérances de ses alliés. Il ne pensa donc plus qu’à se disposer à une bataille, bien sûr que Sempronius ne manquerait pas de l’accepter.

Il avait reconnu depuis long-temps le terrain qui était entre les deux armées. C’était une plaine rase et découverte, où coulait un ruisseau dont les rives assez hautes étaient encore hérissées de ronces et d’épines fort serrées. Ce ruisseau lui parut propre pour y dresser une embuscade, et en effet il lui était aisé de se cacher. Les Romains étaient bien en garde contre les lieux couverts, parce que c’est ordinairement dans ces sortes d’endroits que les Gaulois se couvrent et se cachent, mais ils ne se défiaient pas d’un terrain plat et ras. Cependant une embuscade y est plus sûre que dans des bois. Outre que l’on y découvre de loin, il s’y rencontre quantité de petites hauteurs derrière lesquelles on est suffisamment à couvert. Il ne faut souvent que de petits bords de ruisseaux, des roseaux, des ronces, quelque sorte d’épines pour cacher non-seulement de l’infanterie, mais même de la cavalerie : et il n’est pas besoin pour cela d’une grande habileté. Il n’y a qu’à coucher par terre les armes qui se voient de loin, et à mettre les casques dessous.




CHAPITRE XV.


Bataille de la Trébie


Le général des Carthaginois tint donc un conseil de guerre, où il fit part à Magon et aux autres officiers du dessein qu’il avait. Chacun y ayant applaudi, aussitôt après le souper de l’armée, il fit appeler Magon son frère, jeune à la vérité, mais vif, ardent et entendu dans le métier, le fit chef de cent chevaux et de cent hommes de pied, et lui ordonna de choisir dans toute l’armée les soldats les plus braves, et de venir le trouver dans sa tente avant la nuit. Quand il les eut exhortés tous à se signaler dans le poste qu’il devait leur assigner, il leur dit de prendre chacun dans leur compagnie neuf d’entre leurs compagnons qu’ils connaissaient les plus braves, et de venir le joindre à certain endroit du camp. Ils y vinrent tous, au nombre de mille chevaux et d’autant d’hommes de pied. Il leur donna des guides, marqua à son frère le moment où il devait fondre sur l’ennemi, et les envoya au lieu qu’il avait choisi pour l’embuscade.

Le lendemain, au point du jour, il assemble la cavalerie numide, gens endurcis à la fatigue ; il l’exhorte à bien faire, promet des gratifications à ceux qui se distingueraient, et leur donne ordre à tous de passer au plus tôt la rivière, d’approcher du camp des ennemis, et de les provoquer par des escarmouches, pour les mettre en mouvement. En cela ses vues étaient de prendre l’ennemi dans un temps où il n’aurait pas encore pris de nourriture et où il ne s’attendrait à rien moins qu’à une bataille. Il convoque ensuite le reste des officiers, les anime au combat, et leur ordonne de prescrire à tous les soldats de prendre leur repas, et de disposer leurs armes et leurs chevaux.

Dès que Sempronius vit la cavalerie

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