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POLYBE, LIV. III.

bius, et l’on exécuta ponctuellement ses ordres. Du côté des Carthaginois, on tira une ligne entre la colline et le camp. On mit sur le sommet une garde que l’on défendit d’un bon retranchement, et l’on ne s’occupa plus que du soin de chercher des quartiers d’hiver.

Au printemps suivant, on élut à Rome pour consuls Lucius Émilius et Caïus Terentius, et les deux dictateurs se démirent de leur charge. Les deux consuls précédens, Cn. Servilius et Marcus Regulus, successeur de Flaminius dans cette dignité, envoyés à l’armée par Émilius en qualité de proconsuls, y prirent le commandement, et disposèrent de tout à leur gré. Émilius, ayant tenu conseil avec le sénat, fit faire de nouvelles levées, pour suppléer à ce qui manquait aux légions, et, en les envoyant à l’armée, il fit défense à Servilius d’engager une action générale, sous quelque prétexte que ce fût ; mais il lui ordonna de livrer de petits combats vifs et fréquens, pour exercer les nouvelles troupes et les disposer à une bataille décisive ; la république en effet n’avait par le passé souffert de si grandes pertes que parce que l’on avait mené aux combats des gens nouvellement enrôlés, et qui n’étaient ni exercés ni aguerris.

Par ordre encore du sénat, Lucius Posthumius partit comme préteur avec une légion, pour obliger, par une diversion, les Gaulois, qui s’étaient ligués avec Annibal, de s’en séparer, et de pourvoir à la sûreté de leur propre pays. On fit aussi revenir en Italie la flotte qui hivernait à Lilybée, et l’on embarqua pour l’Espagne toutes les munitions nécessaires aux armées que les deux Scipions y commandaient ; enfin on donna tous les soins possibles aux préparatifs de la campagne où l’on allait entrer. Servilius suivit exactement les ordres du consul, et c’est ce qui nous dispensera de nous étendre sur ce qu’il a fait ; rien de grand ni de mémorable, mais quantité d’escarmouches et de petits combats, où les deux proconsuls se conduisirent avec beaucoup de sagesse et de valeur.




CHAPITRE XXIII.


Annibal s’empare de la citadelle de Cannes et réduit les Romains à la nécessité de combattre. — Préparatifs pour cette bataille. — Harangues de part et d’autre pour disposer les troupes à une action décisive.


Les deux armées passèrent ainsi l’hiver et tout le printemps en présence l’une de l’autre. Le temps de la moisson venu, Annibal décampe de Gérunium, et, pour mettre les ennemis dans la nécessité de combattre, il s’empare de la citadelle de Cannes, où les Romains avaient enfermé les vivres et autres munitions qu’ils avaient apportés de Canusium, et d’où ils tiraient leurs convois. Cette ville avait été entièrement détruite l’année précédente ; Annibal, par la prise de cette place, jeta l’armée romaine dans un embarras très-grand : outre qu’il était maître des vivres, il se voyait dans un poste qui par sa situation commandait sur toute la contrée. Les proconsuls dépêchèrent à Rome courriers sur courriers, et mandèrent que, s’ils approchaient de l’ennemi, il ne leur était plus possible de battre en retraite ; que tout le pays était ruiné, que les alliés étaient en suspens, et attendaient avec impatience à quoi l’on se déterminerait ; qu’on leur fît savoir au plus tôt ce que l’on jugeait à propos qu’ils fissent. L’avis du sénat fut de livrer bataille ; mais on écrivit à Servilius de suspendre encore, et l’on envoya Émilius pour la donner.