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Il semble que le cinquième ordre dont parle notre auteur ne soit que le complément du quatrième. « Vous pouvez, dit-il, éviter l’inconvénient de compromettre votre centre, en y plaçant des troupes légères capables de soutenir le choc auquel vous devez vous attendre. Alors le combat se décidera avec vos ailes. Si vous enfoncez celles de l’ennemi, vous avez vaincu ; si elles résistent, au moins ne craignez-vous rien pour votre centre. »

Végèce explique ensuite son sixième ordre de bataille : « Dès que vous serez à portée de l’ennemi, que votre droite, composée de tout ce que vous avez de meilleures troupes, attaque sa gauche. Rangez le reste de votre armée en forme de broche _|¯, par une évolution qui l’éloigne considérablement de la droite ennemie. Si vous pouvez prendre sa gauche en flanc et en queue, il sera battu sans ressource. Il ne peut, en effet, marcher au secours de sa gauche, ni par sa droite, ni par son centre, parce qu’au moindre mouvement, il trouverait en front le reste de votre armée qui se présente à lui sous la forme d’un I. Cette façon de combattre est d’un grand usage en marche. »

Vous voyez que cette sixième disposition ne diffère de la seconde qu’en ce que l’aile droite, au lieu d’être détachée du corps de bataille, pour se porter en avant, y tient encore obliquement, toute l’armée étant disposée en échelons, comme le prescrivit Épaminondas à Leuctres. Cette explication est la seule raisonnable que l’on puisse donner de la comparaison de Végèce in similitudinem veru, « en forme de broche ; » comparaison, du reste, assez bizarre et qui a tant embarrassé les savans.

Si l’on était attaqué sur un des flancs pendant la marche, il est certain que l’on pourrait se servir de cette sixième disposition avec avantage, en faisant front sur ce flanc, et avançant ensuite d’une manière oblique, selon la circonstance, par la tête ou par la queue de la colonne.

Comme la première attention du général doit être, dans tous les cas, d’examiner le terrain sur lequel il va combattre, afin d’en profiter, on peut dire que la septième et dernière disposition de Végèce n’est pas un ordre de bataille particulier. « Si vous pouvez, par exemple, dit-il, vous ménager le voisinage d’une rivière, d’un lac, d’une ville, d’un marais, d’un bois qui soit à l’abri, appuyez-y l’une de vos ailes, rangez votre armée sur cet alignement, en portant à l’autre aile, qui est découverte, la plus grande partie de vos forces, et surtout votre meilleure cavalerie. Ainsi fortifié d’un côté par la nature du terrain, de l’autre par la supériorité du nombre, vous combattrez sans presque courir de risques. »

On a dit qu’il est impossible de fixer des règles précises sur la disposition d’une armée en bataille ; que les chances d’un engagement sont infinies, et ne sauraient être réglées par quelques préceptes tracés d’avance. Il faut prendre, ajoute-t-on, toutes les directions, toutes les formes, toutes les lignes qui, dans leur rectitude ou leurs sinuosités, sont propres à conduire vers ce but. Et les mêmes écrivains déclarent ensuite (ce qui est au moins singulier), qu’il n’existe que deux lignes en géométrie.

Afin de gendre plus complet le travail que nous présentons ici sur les ordres de bataille, nous allons donner le résumé des principes du général Jomini. Aujourd’hui que les dissentions politiques, qui ont animé tant d’écrivains contre cet homme célèbre sont apaisées, nul ne contestera, je le suppose, la haute portée de ses ouvrages ; nul n’osera