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POLYBE, LIV. IV.

raison de ce qu’ils avaient fait, ou même de ce qu’ils avaient dessein de faire. Les Lacédémoniens se joignirent à eux par une alliance secrète, sans que ni la liberté qu’ils avaient recouvrée par le secours d’Antigonus et des Achéens, ni les obligations qu’ils avaient aux Macédoniens et à Philippe pussent les en détourner.

Déjà la jeunesse d’Achaïe était sous les armes, et les Lacédémoniens et les Messéniens s’étaient joints pour venir au secours, lorsque Scerdilaïdas et Demetrius de Pharos, partis d’Illyrie avec quatre‑vingt‑dix frégates, passèrent au‑delà du Lisse, contre les conditions du traité fait avec les Romains. Ils abordèrent d’abord à Pyle et tâchèrent de prendre cette ville, mais sans succès. Ensuite Demetrius, prenant de la flotte cinquante vaisseaux, se jeta sur les îles Cyclades. Il en gagna quelques‑unes à force d’argent, et en ravagea d’autres. Scerdilaïdas, retournant en Illyrie avec le reste de la flotte, prit terre à Naupacte, s’assurant qu’il n’avait rien à craindre d’Amynas, roi des Athamains, dont il était parent. Après avoir fait un traité avec les Étoliens par le moyen d’Agélaus, par lequel traité les Étoliens s’engageaient à partager avec lui les dépouilles qu’ils remporteraient, il s’engagea de son côté à se joindre à eux pour fondre ensemble sur l’Achaïe. Agélaus, Dorimaque et Scopas entrèrent dans ce traité, et tous quatre, s’étant fait ouvrir par adresse les portes de Cynèthe, assemblèrent dans l’Étolie la plus grande armée qu’ils purent, et, l’ayant grossie des Illyriens, ils se jetèrent sur l’Achaïe.

Ariston, préteur des Étoliens, se tenait en repos chez lui, faisant semblant de ne rien savoir de ce qui se passait, et publiant que, loin de faire la guerre aux Achéens, il observait exactement la paix conclue entre les deux peuples : dessein absurde de croire pouvoir cacher sous des paroles ce qui est démenti par des faits publics ! Dorimaque, prenant sa route par l’Achaïe, se présenta tout à coup devant Cynèthe, dans l’Arcadie. Cette ville était depuis long-temps déchirée par des séditions intestines, qui allaient jusqu’à s’égorger et à se bannir les uns les autres. On pillait les biens, on faisait de nouveaux partages des terres. À la fin, ceux des habitans qui soutenaient le parti des Achéens devinrent tellement supérieurs en forces, qu’ils occupèrent la ville, en gardèrent les murailles et se firent donner un commandant par les Achéens.

Cynèthe était en cet état lorsque, peu de jours avant que les Étoliens arrivassent, ceux qui avaient été obligés de sortir y envoyèrent demander qu’on voulût bien les y recevoir et faire la paix avec eux. Les habitans crurent que cela était sincère, et, ne voulant faire cette paix qu’avec l’agrément des Achéens, ils dépêchèrent vers eux pour savoir ce qu’ils en penseraient. Les Achéens ne firent aucune difficulté, s’imaginant que c’était un moyen de se bien mettre dans l’esprit des deux partis, puisque déjà ceux qui étaient dans la ville embrasseraient les intérêts des Achéens ; et que ceux qui voulaient y rentrer, n’étant redevables de tout leur bonheur qu’au consentement que les Achéens avaient donné à leur retour, ne manqueraient pas de leur en témoigner par un parfait attachement leur profonde reconnaissance. Aussitôt les habitans envoyèrent la garnison et le commandant pour conclure la paix et reconduire les exilés dans la ville, après avoir cependant pris d’eux toutes les assurances sur lesquelles on croit ordinairement devoir le plus compter.