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POLYBE, LIV. IV.

contrèrent Philippe près du mont Parthénion, et suivirent exactement leurs instructions. Philippe, après les avoir entendus, leur dit de retourner promptement dans leur pays et de dire aux éphores qu’il allait continuer sa route et camper à Tégée, et qu’ils envoyassent sur‑le‑champ des gens de poids et d’autorité pour délibérer ensemble sur ce qu’il y avait à faire. Ceux‑ci retournèrent chez eux, selon l’ordre que le roi leur avait donné, et firent connaître ses intentions. Aussitôt les principaux de Lacédémone envoyèrent à Philippe dix citoyens qui, étant arrivés à Tégée et admis dans le conseil du roi, Ogias à leur tête, commencèrent par faire le procès à Adimante, promirent à Philippe de garder exactement le traité d’alliance fait avec lui, et l’assurèrent qu’il n’avait point d’amis qui embrassassent ses intérêts avec plus de chaleur et d’affection que les Lacédémoniens. Après ce discours et quelques autres semblables ils prirent congé.

Le conseil du roi se trouva fort partagé. Quelques‑uns, informés de la sédition qui s’était élevée à Lacédémone, et sachant qu’Adimante n’avait été tué que parce qu’il embrassait le parti des Macédoniens, et que d’ailleurs les Lacédémoniens avaient eu dessein d’appeler les Étoliens, conseillaient à Philippe de faire un exemple de ce peuple, et de le traiter comme Alexandre avait traité les Thébains aussitôt qu’il fut monté sur le trône de Macédoine. D’autres, plus anciens, dirent que la faute ne méritait pas une punition si rigoureuse, qu’il fallait châtier ceux qui étaient la cause de la sédition, les dépouiller de leurs charges, et en revêtir ceux qui étaient attachés au roi.

Philippe répondit à tout cela d’un manière fort prudente et fort judicieuse, si cependant l’on doit croire que la réponse vint de lui ; car il n’est guère vraisemblable qu’un jeune homme de dix‑sept ans ait été capable de porter son jugement sur des affaires de cette importance. Mais un historien doit toujours attribuer les décisions à ceux qui sont à la tête des affaires, sauf à ses lecteurs à juger que les conseils sur lesquels les décisions sont fondées viennent de ceux qui sont auprès du roi, et surtout de ceux qu’il admet à ses délibérations. Il est très-probable que ce que le roi prononça alors, c’était Aratus qui le lui avait suggéré.

Le roi répondit donc que, dans les hostilités que se faisaient les alliés les uns aux autres en particulier, tout ce qu’il avait à faire, c’était d’y mettre ordre de bouche ou par lettres, et de faire sentir qu’il en était averti ; qu’il n’y avait que les fautes qui pouvaient blesser l’alliance en général, qu’il fût obligé de corriger, sur les avis du conseil public ; que, les Lacédémoniens n’ayant rien fait de notoire contre cette alliance en général, et promettant au contraire de s’acquitter fidèlement de leurs devoirs envers les Macédoniens, il ne convenait pas d’en agir avec eux à la rigueur ; que son père ne les avait pas maltraités, quoiqu’il les eût vaincus comme ennemis ; qu’il ne pouvait donc, lui, sans offenser la raison et la justice, les perdre sans ressource pour un si frivole motif.

Aussitôt qu’on eut conclu qu’il ne fallait plus penser à ce qui était arrivé, le roi envoya Pétrée, un de ses favoris, avec Omias, à Lacédémone, pour exhorter le peuple à lui être fidèle ainsi qu’aux Macédoniens, et pour donner et recevoir les sermens accoutumés. Après cela, il se mit en marche et revint à Corinthe. Tous les alliés furent charmés de la manière dont il en avait usé avec les Lacédémoniens.