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POLYBE, LIV. IV.

Vers le même temps, les Étoliens, assemblés pour le choix des magistrats, donnèrent la préture à ce Scopas qui avait été la cause de tous les maux que nous avons rapportés. Je ne sais que dire d’un pareil procédé : ne point faire la guerre en vertu d’un décret public, mais aller en corps d’armée ravager les terres de ses voisins ; ne point punir les auteurs de ce trouble, mais au contraire leur donner les premières charges, rien ne me paraît plus méprisable et plus odieux. Car comment pourrait‑on qualifier autrement cette conduite ? Un exemple rendra le tort des Étoliens plus sensible. Quand Phébidas, par trahison, fut entré dans la citadelle de Thèbes, les Lacédémoniens se contentèrent de punir l’auteur de la perfidie, et laissèrent la garnison dans la place. Était‑ce assez pour réparer l’insulte, que de châtier celui qui l’avait faite ? Il était cependant en leur pouvoir de chasser la garnison, et il était de l’intérêt des Thébains qu’elle fût chassée. De même, du temps de la paix faite par Antalcidas, ils publièrent qu’ils laissaient les villes en liberté, et qu’ils leur permettaient de se conduire par leurs lois, sans cependant en retirer les gouverneurs qui y étaient de leur part. Après avoir ruiné les Mantinéens leurs amis et leurs alliés, à les entendre, ils ne leur avaient fait aucun tort en les tirant d’une ville pour les disperser dans plusieurs. N’est‑ce pas une folie, et une folie jointe à une noire méchanceté, que de vouloir que tout le monde soit aveugle, parce que l’on fait semblant de fermer les yeux ? Cette conduite, à peu près semblable dans les deux républiques, attira de grands malheurs sur l’une et sur l’autre, et ceux qui voudront bien gouverner, soit leurs affaires particulières ou les affaires générales, se donneront bien garde de les imiter.

Philippe, après avoir réglé les affaires des Achéens, reprit avec son armée la route de Macédoine pour faire au plus tôt les préparatifs de la guerre. Ce prince, par le décret dont nous avons parlé, se fit beaucoup d’honneur non-seulement parmi les alliés, mais dans toute le Grèce, et l’on conçut de grandes espérances de sa douceur et de sa grandeur d’âme.

Toutes ces choses se passaient dans le temps qu’Annibal, maître de tout le pays d’au‑delà de l’Èbre, se disposait à faire le siége de Sagonte. On voit ici que, si dès le commencement j’avais joint les affaires des Grecs avec les premiers mouvemens d’Annibal, j’aurais été obligé dans le premier livre, pour suivre l’ordre des temps, de les entremêler avec les troubles d’Espagne, et que, comme les guerres d’Italie, d’Espagne et d’Asie ont eu chacune un commencement qui leur était propre, et se sont terminées de la même manière, il était plus à propos que je parlasse en particulier de chacune, jusqu’à ce que j’arrivasse au temps où, jointes et mêlées l’une avec l’autre, elles commencèrent à tendre au même but. Par cette méthode on montrera plus clairement les commencemens de chaque guerre ; on découvrira aussi plus aisément leur jonction, dont nous avons déjà rapporté la manière et le sujet ; ensuite nous n’aurons plus qu’à faire une histoire commune de toutes. Or, cette jonction se fit sur la fin de la guerre que nous racontons, dans la troisième année de la cent quarantième olympiade. Ainsi, après cette guerre, suivant l’ordre des temps, nous parlerons de toutes les autres en commun ; mais, pour ce qui a précédé, il faut le traiter en particulier, comme je viens de dire. Seulement je prie qu’on se rappelle ce qui est arrivé dans le même