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POLYBE, LIV. IV.

gent dans le Pont sont plus grands et en plus grande quantité.

J’ai cru devoir mettre ici ces réflexions pour convaincre ceux qui ne peuvent se persuader que cette mer se remplit et se comblera un jour de telle sorte que ce ne sera plus qu’un lac et un marais. Elles serviront aussi à nous prévenir contre les prétendus prodiges que nous débitent ceux qui courent les mers, à empêcher que nous n’écoutions avec avidité comme des enfans sans expérience tout ce qui se dit, et à nous donner quelques idées d’après lesquelles nous soyons en état de juger de la vérité ou de la fausseté de ce que l’on nous rapporte. Reprenons maintenant notre description de Byzance.




CHAPITRE XI.


L’historien continue de décrire la situation et les avantages de Byzance. — Guerre que les Byzantins ont à soutenir.


Nous avons dit que le détroit qui joint le Pont avec la Propontide est long de cent vingt stades, depuis Hiéron, du côté du Pont, jusqu’à l’endroit où est Byzance, au côté opposé. Dans cet espace, sur un promontoire appartenant à l’Europe, et éloigné de l’Asie d’environ cinq stades, est un temple de Mercure ; c’est l’endroit le plus resserré du détroit, et où l’on dit que Darius, dans son expédition contre les Scythes, fit jeter un pont. Depuis le Pont jusqu’au temple de Mercure, comme la distance entre les bords est assez égale, le cours de l’eau est aussi assez uniforme ; mais, arrivant à ce temple, et y étant resserrée par le promontoire, elle s’y brise et se jette ensuite du côté de l’Asie, d’où elle retourne du côté de l’Europe aux promontoires qui sont vers les Hesties. De là, changeant encore son cours, elle coule vers l’Asie au promontoire appelé le Bœuf, où l’on rapporte qu’Io s’arrêta pour la première fois après avoir passé le détroit. Enfin de ce promontoire du Bœuf l’eau prend son cours vers Byzance, où se partageant, la plus petite partie va former le golfe appelé la Corne, et la plus grande vient de l’autre côté, où est Calcédoine. Mais cette partie n’a plus à beaucoup près la même force ; car, après avoir été jetée et rejetée tant de fois, et trouvant là de quoi s’étendre, elle s’affaiblit enfin, et, n’étant plus repoussée par ses bords qu’à angle obtus, elle quitte Calcédoine et suit le détroit.

C’est ce qui donne à Byzance un fort grand avantage sur Calcédoine pour la situation, quoiqu’à juger de ces deux villes par les yeux elles paraissent également bien situées. On ne peut aborder qu’avec peine à Calcédoine, et le cours de l’eau vous emporte à Byzance, quelque chose que vous fassiez pour vous en défendre. Pour preuve de cela, c’est que quand on veut passer de Calcédoine à Byzance, on ne peut traverser le détroit en droite ligne ; mais on remonte jusqu’au Bœuf et à Chrysopolis, même ville dont les Athéniens s’emparèrent autrefois par les conseils d’Alcibiade, et où ils levèrent les premiers un impôt sur ceux qui passaient dans le Pont ; de là on n’a qu’à s’abandonner au cours de l’eau, et on est nécessairement porté à Byzance. La même chose arrive soit qu’on navigue au‑dessus ou au‑dessous de cette ville.

Qu’un vaisseau poussé par un vent du midi y vienne par l’Hellespont, la route est facile en côtoyant l’Europe ; qu’un vent du nord, au contraire, en pousse un autre du Pont dans l’Hellespont, en longeant encore la côte de l’Europe, il cinglera droit et sans dan-