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POLYBE, LIV. IV.

succomba sous le poids d’une si grande fortune. Il prit le diadème, se fit appeler roi, et se rendit redoutable aux rois et aux autres puissances du pays situé en deçà du Taurus, et qu’il venait de subjuguer. C’était principalement sur ce roi que les Byzantins comptaient lorsqu’ils entreprirent la guerre contre les Rhodiens et Prusias.

Disons aussi un mot des raisons qu’avait Prusias pour ne pas vouloir de bien aux Byzantins. Il leur reprochait premièrement qu’après lui avoir décerné des statues, non-seulement ils avaient oublié de les dresser, mais s’en étaient encore moqués. Il leur faisait encore un crime de s’être employés avec chaleur pour réconcilier Achée avec Attale, réconciliation qui ne pouvait lui être que très-désavantageuse. Un troisième sujet de ressentiment, c’est qu’à la célébration des jeux consacrés à Minerve, les Byzantins avaient envoyé de leurs citoyens pour faire avec Attale des sacrifices, et qu’ils ne lui avaient envoyé personne lorsqu’il avait célébré la fête des Sotéries. Pendant que la colère couvait dans son cœur, les Rhodiens vinrent lui donner l’occasion de la faire éclater, et il la saisit avec joie. Il convint avec les ambassadeurs que les Rhodiens attaqueraient les Byzantins par mer, et que lui leur ferait par terre tout le mal qu’il pourrait. C’est ainsi que commença la guerre des Rhodiens contre les Byzantins.

Ceux‑ci, comptant toujours qu’Achée viendrait à leur secours, commencèrent la guerre avec vigueur. Ils firent venir Tibitès de Macédoine, bien résolus de donner autant d’affaires à Prusias qu’il leur en donnerait. Ce prince irrité marche contre eux et s’empare d’Hiéron, place située à l’entrée du Pont, et que les Byzantins avaient depuis peu achetée fort cher, tant à cause de l’heureuse situation de la place, que pour mettre à couvert de toute insulte les marchands qui naviguaient sur le Pont, leurs esclaves et leur commerce de mer. Il gagna aussi sur eux la partie de la Mysie que les Byzantins possédaient depuis long-temps dans l’Asie. Les Rhodiens, de leur côté, équipèrent six vaisseaux, auxquels ils en joignirent quatre que leurs alliés leur avaient fournis, et, ayant donné le commandement de cette escadre à Xénophante, ils se mirent sur l’Hellespont. Neuf de ces vaisseaux restèrent à l’ancre auprès de Sestos pour incommoder ceux qui naviguaient dans le Pont, et Xénophante, avec le dixième, alla harceler Byzance, pour voir si la crainte de la guerre n’y porterait point au repentir. Ayant trouvé de la résistance, il retourna vers les autres vaisseaux, et toute l’escadre reprit la route de Rhodes.

Alors les Byzantins envoyèrent presser Achée de les secourir, et firent faire de nouvelles instances à Tibitès, auquel ils croyaient que le royaume de Byzance appartenait autant qu’à Prusias, dont il était oncle. Cette résolution des Byzantins engagea les Rhodiens à faire tous leurs efforts pour avancer les affaires. Comme les Byzantins ne soutenaient cette guerre avec tant de fermeté et de constance que parce qu’ils comptaient sur le secours d’Achée, et que d’ailleurs ce prince souhaitait fort de tirer des mains de Ptolémée, Andromaque, son père, qui était détenu dans Alexandrie, les Rhodiens envoyèrent demander Andromaque à Ptolémée. Ils avaient déjà auparavant fait cette démarche ; mais ils la firent alors sérieusement, jugeant bien qu’après avoir rendu ce service à Achée, ils en obtiendraient facilement tout ce qu’ils