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POLYBE, LIV. IV.

nuit ses gens près du fleuve qui coule au pied de la ville ; puis il s’avance avec Alexandre, Archidamus et les Étoliens, par le chemin qui conduit d’Égion à Égire. En même temps le traître Étolien, s’étant détaché avec vingt des plus hardis, et ayant gagné, par des chemins détournés qu’il connaissait parfaitement, le haut des rochers, entra dans la ville par un aqueduc. Les gardes de la porte dormaient tranquillement. On les égorgea dans leurs lits ; on brisa à coups de hache les barres des portes. Les Étoliens entrent, se jettent inconsidérément dans la ville, et crient d’abord victoire. Ce fut ce qui sauva les habitans et ce qui perdit les Étoliens, qui s’imaginaient que, pour être maîtres d’une ville, c’était assez que d’être au-dedans des portes. Dans cette pensée, ils s’arrêtèrent quelque temps sur la place, puis se répandirent dans la ville, et, ne respirant que le pillage, se précipitèrent dans les maisons pour les saccager.

Le jour commençait alors à paraître. Ceux des habitants qui ne s’attendaient à rien moins qu’à cette entreprise, et dans les maisons desquels les ennemis étaient entrés, s’enfuirent épouvantés hors de la ville, ne doutant plus que les Étoliens n’en fussent absolument les maîtres ; mais les autres, chez qui l’on n’était pas encore entré, entendirent le bruit, crièrent au secours, et montèrent tous à la citadelle. Le nombre s’augmentant toujours de plus en plus, leur courage et leur hardiesse s’accrut à proportion, au lieu que le gros des Étoliens, dont une partie s’était dispersée, était en désordre. Dorimaque sentit le péril auquel ses gens étaient exposés ; il les fit marcher vers la citadelle, dans la pensée que cette troupe d’Égiriens, effrayée de l’audace avec laquelle on les attaquerait, serait bientôt renversée. Alors les Égiriens s’animent les uns les autres, et se battent avec valeur. Comme la citadelle n’avait point de murailles, l’action se passa de près et d’homme à homme. On peut juger de la chaleur du combat par les dispositions des combattans, les uns ayant à défendre leur patrie et leurs enfans, les autres ne pouvant sauver leur vie que par la victoire. Enfin les Étoliens tournèrent le dos, et les Égiriens, qui les virent ébranlés, saisissant l’occasion, se mirent à leur poursuite avec tant d’ardeur, que les Étoliens en fuyant s’écrasaient et se foulaient aux pieds les uns les autres, sous les portes de la ville. Alexandre fut tué dans cette action, et Dorimaque étouffé au passage. Le reste des Étoliens fut en partie écrasé sous les portes, d’autres en fuyant se précipitèrent du haut des rochers ; le peu qui put regagner les vaisseaux mit honteusement à la voile sans espérance de se venger. Ce fut ainsi que les Égiriens, qui par leur négligence avaient pensé perdre leur patrie, la recouvrèrent par leur courage et leur intrépidité.

En ce même temps, Euripidas, que les Étoliens avaient envoyé pour commander les Éléens, ravagea les terres des Dyméens, des Pharéens et des Tritéens, et fit dans l’Élide un butin considérable. Mycus le Dyméen, qui était alors lieutenant du préteur des Achéens, et qui avait assemblé de grandes forces pour venger tous ces peuples dépouillés, le poursuivit comme il se retirait. Mais il tomba par trop de vivacité dans une embuscade, où quarante de ses gens furent tués et deux cents faits prisonniers. Ce succès exalta les espérances d’Euripidas ; il se mit en marche quelques jours après, et emporta un fort des Dyméens, nommé Tichos, situé près du cap Araxe, et bâti, selon