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POLYBE, LIV. IV.

dessein d’Apelles. Aratus courut aussitôt vers Philippe ; dans une affaire de cette nature, il était important d’étouffer le mal dans sa naissance et de ne pas différer. Le roi, après l’avoir entendu, dit aux jeunes Achéens de ne point s’alarmer, et qu’il n’arriverait plus rien de semblable dans la suite ; en même temps il défendit à Apelles de rien commander aux Achéens sans avoir consulté leur préteur. Par cette affabilité, jointe à toute l’activité et la valeur imaginables, Philippe se gagna le cœur non-seulement de tous les soldats, mais encore de tous les peuples de Péloponnèse. Aussi la nature semblait avoir pris plaisir à le former tel qu’un prince doit être pour faire des conquêtes et étendre un royaume : il avait l’esprit fin, la mémoire heureuse, une grâce toute singulière, la démarche haute et majestueuse, et par dessus tout cela une activité infatigable et une valeur héroïque. Comment toutes ces belles qualités se sont évanouies ; comment, de roi né pour faire le bonheur de ses sujets, il est devenu un odieux tyran, c’est ce qui ne se peut expliquer en peu de paroles. Une occasion plus favorable se présentera de parler de ce changement et d’en rechercher les causes.

D’Olympie le roi alla à Parée, de là à Telphyse, et ensuite à Érée, où, ayant vendu son butin, il fit réparer le pont qui était sur l’Alpée, pour s’ouvrir un chemin dans la Triphylie. Les Éléens ruinés avaient été demander du secours aux Étoliens, et Dorimaque, préteur de ceux‑ci, leur avait envoyé six cents hommes sous le commandement de Phylidas. Ce capitaine, étant arrivé à Élée, y prit cinq cents des étrangers qui y étaient, mille hommes de la ville et un corps de Tarentins, et vint avec ses forces dans la Triphylie, province ainsi nommée de Triphyle, né en Arcadie. Elle est dans le Péloponnèse près de la mer entre les Éléens et les Messéniens, du côté de la mer d’Afrique, à l’extrémité de l’Achaïe vers le couchant d’hiver. Ses villes sont : Samique, Léprée, Hypane, Typanée, Pyrge, Æpie, Bolax, Styllangie, Phrixe. Les Éléens commencèrent leur expédition par la conquête de ces villes. Ils prirent ensuite Aliphère, qui dépendait de l’Arcadie, et Mégalopolis, dont le tyran Alliadas, quoique Mégalopolitain lui‑même, avait fait un échange avec eux pour quelques intérêts personnels. Phylidas, ayant envoyé les Éléens à Léprée, et les étrangers à Aliphère, alla lui‑même chez les Typanéates avec ses troupes d’Étolie, et attendit là ce qui devait arriver.

Philippe, débarrassé de son butin, passa l’Alphée, qui coule près d’Érée, et vint à Aliphère. Cette ville est située sur une montagne escarpée de tous côtés, et haute de plus de dix stades. Au sommet est la citadelle et une statue d’airain de Minerve, d’une beauté et d’une grandeur extraordinaires. Pourquoi cette statue a été mise en cet endroit, aux dépens de qui elle a été faite, d’où elle est venue, qui a fait ce vœu, ce sont toutes questions qu’il est malaisé de décider ; les gens mêmes du pays n’en savent rien de certain. On convient seulement que ce miracle de l’art a pour auteurs Hécatodore et Sostrate, et que c’est leur chef‑d’œuvre. Le roi choisit un jour clair et serein, et, au point du jour, il donna ordre aux étrangers de marcher devant par plusieurs endroits, pour soutenir ceux qui devaient porter les échelles. Il partage les Macédoniens, leur ordonne de suivre les autres de près, et à tous, dès que le soleil se montrerait, de monter la montagne.