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POLYBE, LIV. IV.

les Aratus surent profiter. Pendant que Philippe ravageait les terres des Éléens, ce peuple, à qui Amphidame était suspect, avait résolu de s’en saisir, de le charger de chaînes et de le reléguer dans l’Étolie. Amphidame ayant pressenti leur dessein, s’était d’abord retiré à Olympie ; mais sur l’avis qu’il reçut que Philippe était à Dymes pour le partage du butin, il alla l’y trouver. Les Aratus, à qui la conscience ne reprochait rien, apprirent avec joie qu’Amphidamas était arrivé d’Élide. Sur le champ, ils prièrent le roi de le faire appeler, disant que personne ne savait mieux les chefs d’accusation dont on les chargeait puisque c’était avec lui que le complot s’était fait, que d’ailleurs il était intéressé à déclarer la vérité puisqu’il n’était chassé de son pays qu’à cause de Philippe, qui était par conséquent alors son unique refuge, et le seul dont il pût espérer son salut. Le conseil plut au roi, Amphidame est appelé, et dément l’accusation sur tous ces chefs. Depuis ce moment‑là, l’estime et la confiance de Philippe pour Aratus ne fit que s’accroître et s’augmenter, et il rabattit au contraire de la bonne opinion qu’il avait eue d’Apelles, quoique, prévenu depuis long-temps en sa faveur, il fermât souvent les yeux sur la conduite de ce tuteur.

Cette disgrâce ne découragea pas cet esprit artificieux. Il en voulait à Taurion, qui gouvernait dans le Péloponnèse, et cherchait les moyens de le perdre. Il ne dit cependant rien contre lui, au contraire il en fit des éloges, et représenta au roi que cet homme lui serait utile dans ses expéditions : louanges malignes, sous lesquelles il cachait son dessein, qui était d’en mettre un autre à la tête des affaires du Péloponnèse. Nouvelle espèce de calomnie pour nuire à ceux à qui l’on veut du mal ; artifice malin et perfide inventé par les courtisans, qui, par jalousie et par avarice, ne cherchent qu’à se détruire les uns les autres. Apelles déclamait encore à toute occasion contre Alexandre, capitaine des gardes. C’était assez qu’il ne fût pas de son choix pour qu’il lui déplût. En un mot, tout ce que Antigonus avait réglé, il voulait le changer. Cependant autant ce prince pendant sa vie avait bien gouverné le royaume et sagement élevé son fils ; autant eut‑il soin, avant de mourir, de prévoir l’avenir et d’étendre sa prévoyance sur tout. Dans son testament, il rendait compte aux Macédoniens de ce qu’il avait fait, leur donnait des règles pour la conduite des affaires, et leur marquait qui l’on devait en charger, de sorte qu’il ne laissait aux courtisans aucun prétexte de jalousie et de sédition. Entre ceux qu’il avait auprès de lui, il choisit Apelles pour tuteur, Léontius pour chef de l’infanterie, Mégaléas pour chancelier, Taurion pour gouverneur du Péloponnèse et Alexandre pour capitaine des gardes. Apelles, déjà maître de Léontius et de Mégaléas, aurait fort souhaité exclure Alexandre et Taurion du maniement des affaires, pour les gérer lui‑même ou par ses amis, et il en serait venu à bout, s’il ne se fût pas brouillé avec Aratus ; mais il fut bientôt puni de son imprudence et de son ambition, car il souffrit peu de temps après ce qu’il voulait faire souffrir aux autres. Nous rapporterons ailleurs cet événement, et nous tâcherons d’en détailler toutes les circonstances. Il est temps de finir ce livre. Philippe, après tous les exploits que nous venons de raconter, renvoya ses troupes en Macédoine, et passa l’hiver à Argos avec ses amis.