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POLYBE, LIV. V.

pirer, conseil dont le but était de procurer aux Étoliens le loisir de se disposer à la défense. Aratus au contraire, qui savait que l’occasion passe et s’échappe rapidement, et que l’avis de Léontius était une trahison manifeste, conjura Philippe de saisir le moment favorable, et de partir sans délai.

Le roi, déjà piqué contre Léontius, sur-le-champ se met en marche, passe l’Achéloüs, va droit à Therme, et porte le ravage partout où il passe. Dans sa route il laissa à gauche Strate, Agrinie, Thestie, et à droite Conope, Lysimachie, Trichonie et Phoétée. Arrivé à Métape, ville située à l’entrée du lac de Trichonie, et à près de soixante stades de Therme, il fit entrer cinq cents hommes dans cette place que les Étoliens avaient abandonnée, et s’en rendit le maître : c’était un poste fort avantageux pour couvrir tout ce qui entrait ou sortait du détroit qui conduit au lac, parce que les bords de ce lac ne sont qu’une chaîne de montagnes escarpées et couvertes de grands bois, au travers desquels on ne passe que par un défilé fort étroit. Son armée traversa le défilé, les mercenaires à l’avant-garde, ensuite les Illyriens, après eux l’infanterie à pavois et la phalange ; les Crétois formaient l’arrière-garde ; sur la droite et hors du chemin marchaient les Crétois soutenus par les troupes légères. La gauche était couverte par le lac pendant près de trente stades ; au sortir du défilé, il rencontra un bourg appelé Pamphie, où ayant aussi jeté quelques forces, il s’avança vers Therme par un chemin très-âpre et très-difficile, creusé entre des rochers fort escarpés, de sorte qu’on ne peut passer en quelques endroits sans courir risque d’y périr. Cependant il y a près de trente stades à monter. Les Macédoniens franchirent ces précipices en si peu de temps, qu’il était encore grand jour lorsqu’ils arrivèrent à Therme. Philippe mit là son camp, et envoya aussitôt ses troupes piller les villages voisins et la plaine de Therme ; on pilla de même les maisons de la ville, où l’on trouva non-seulement du blé et d’autres provisions de bouche, mais encore quantité de meubles précieux ; car, comme c’était là que les Étoliens chaque année faisaient leurs marchés et leurs assemblées solennelles, tant pour le culte des dieux que pour l’élection des magistrats, on y apportait tout ce que l’on avait de plus riche pour nourrir et recevoir ceux qui y abordaient. Une autre raison pour laquelle il y avait là tant de richesses, c’est que les Étoliens ne croyaient pas pouvoir les mettre en lieu plus sûr. Jamais ennemi n’avait osé en approcher, et sa situation rendait cette ville si forte, qu’elle passait pour la citadelle de toute l’Étolie. La paix profonde dont on jouissait là depuis un temps immémorial, n’avait pas peu de part à cette grande abondance de biens dont regorgeaient les maisons bâties près du temple et les lieux circonvoisins.




CHAPITRE III.


Excès que commirent les soldats de Philippe dans Therme. — Réflexions de Polybe sur ce triste événement.


Après avoir fait pendant cette nuit un butin immense, les Macédoniens tendirent leurs tentes. Le matin on résolut d’emporter tout ce qui s’y trouverait d’un plus grand prix. On amassa le reste par monceaux à la tête du camp, et on y mit le feu ; on prit de même les armes qui étaient suspendues aux galeries du temple, on mit de côté les meilleures pour s’en servir au besoin, on en changea quelques-unes, et