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POLYBE, LIV. V.

pait les montagnes, et à gauche la ville et les Lacédémoniens déjà prêts à combattre et rangés en bataille. Ceux-ci eurent recours encore à un autre stratagème : ils arrêtèrent par le moyen d’une digue le cours de la rivière au-dessus de l’espace dont nous avons parlé, et firent écouler les eaux entre la ville et les collines, pour empêcher que ni la cavalerie ni les gens de pied même n’y pussent marcher. Il ne restait plus au roi d’autre ressource que de faire défiler l’armée le long du pied des montagnes. Mais comment se défendre en défilant sur un petit front ? ç’aurait été s’exposer à une ruine entière. À la vue de ce danger, Philippe tint conseil avec ses amis : on conclut tout d’une voix que, dans la conjoncture présente, il était absolument nécessaire de déloger Lycurgue des postes qu’il occupait autour de Ménélée. Le roi se fait suivre des mercenaires, de l’infanterie à rondaches et des Illyriens, passe la rivière et s’avance vers les montagnes. Lycurgue, qui voit le dessein du roi, fait mettre ses soldats sous les armes, et les anime à bien faire leur devoir. Il donne aussitôt le signal aux troupes de la ville, qui sortent en même temps et se rangent en bataille sous les murs, la cavalerie à leur droite. Quand Philippe fut près de Lycurgue, il détacha d’abord contre lui les mercenaires. La victoire sembla pencher, au commencement, du côté des Lacédémoniens, que les armes et la situation des lieux favorisaient : l’infanterie à rondaches vint heureusement au secours des combattans, et, Philippe lui-même avec les Illyriens ayant chargé en flanc les ennemis, alors les mercenaires du roi, encouragés par le secours qu’ils recevaient, retournèrent à la charge beaucoup plus vivement qu’ils n’y avaient été, et les troupes de Lycurgue, craignant le choc des soldats pesamment armés, tournèrent honteusement le dos. Cent restèrent sur la place ; il y eut un peu plus de prisonniers, le reste s’enfuit dans la ville. Lycurgue lui-même, suivi de peu de soldats, s’y retira pendant la nuit par des chemins détournés. Les Illyriens furent logés dans les postes que Lycurgue occupait, et Philippe revint vers ses troupes avec les soldats armés à la légère et les rondachers.

Pendant le combat, la phalange conduite par Aratus arrivait d’Amycles et s’approchait de la ville : le roi passa vite la rivière pour être à portée de secourir sa phalange avec les troupes légères et les pavoiseurs, jusqu’à ce que les soldats pesamment armés fussent sortis des défilés. Les troupes de la ville vinrent attaquer la cavalerie auxiliaire de Philippe ; l’action fut chaude, et l’infanterie armée de rondaches se battit avec valeur. La victoire fut encore pour Philippe, et la cavalerie lacédémonienne fut poursuivie jusques aux portes de la ville. Le roi passa ensuite la rivière, et marcha à la suite de sa phalange. Au sortir des défilés, comme il était tard, il fut contraint d’y camper ; et c’était justement l’endroit que les guides avaient choisi pour cela. C’est aussi le poste d’où l’on peut le plus aisément passer au-delà de la ville, et faire des courses dans la Laconie ; car il est à l’entrée du défilé dont nous venons de parler, et, soit que l’on vienne de Tégée ou de quelque autre endroit de la terre ferme à Lacédémone, on ne peut éviter de passer par cet endroit, qui est à deux stades au plus de cette ville, et sur le bord de la rivière. Le côté qui regarde l’Eurotas et la ville est couvert tout entier pas une montagne fort haute et inaccessible, mais dont le sommet est une plaine unie, où il se trouve de la terre et de l’eau en abon-