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POLYBE, LIV. V.

que s’il lui refusait cette grâce, elle prendrait ce refus pour un mépris et une injure insigne (telle était la liberté dont les Macédoniens usaient toujours avec leur roi) ; mais que, si Léontius n’était renfermé que pour le paiement des vingt talens, elle offrait de payer en commun cette somme. Ce témoignage d’affection ne fit qu’irriter la colère du roi et accélérer la mort de Léontius.

Sur ces entrefaites arrivèrent d’Étolie les ambassadeurs de Rhodes et de Chios, après avoir fait consentir les Étoliens à une trève de trente jours : ils assurèrent au roi que ce peuple était disposé à la paix. Philippe accepta la trève, et écrivit aux alliés d’envoyer leurs plénipotentiaires à Patres pour traiter de la paix avec les Étoliens. Il partit aussi de Léchée pour s’y trouver, et y arriva après deux jours de navigation. Il reçut alors des lettres envoyées par Mégaléas, de la Phocide aux Étoliens, dans lesquelles ce perfide exhortait les Étoliens à ne rien craindre et à continuer la guerre, que Philippe était réduit aux extrémités faute de munitions et de vivres ; et il ajoutait à cela des choses fort injurieuses pour ce prince. Sur la lecture de ces lettres, Philippe, jugeant qu’Apelles en était le principal auteur, le fit saisir et partir au plus tôt pour Corinthe, lui, son fils et un jeune homme qu’il aimait. Alexandre eut ordre d’aller à Thèbes, et de faire ajourner Mégaléas devant les magistrats, pour l’obliger à payer la somme dont il avait répondu. Cet ordre fut exécuté, mais Mégaléas n’attendit pas que les juges décidassent, il se donna lui-même la mort. Apelles, son fils et le jeune homme qu’il aimait moururent aussi peu de temps après. Ainsi périrent les conjurés, fin que leurs crimes, et principalement leur insolence à l’égard d’Aratus, leur avaient justement attirée.

Cependant les Étoliens souhaitaient toujours avec ardeur que la paix se conclût. Ils étaient las d’une guerre où rien n’avait répondu à leur attente. Ils s’étaient flattés de n’avoir affaire qu’à un roi jeune et sans expérience, et croyaient s’en jouer comme d’un enfant, et Philippe au contraire leur avait fait connaître qu’en sagesse et en résolution il était un homme fait, et qu’eux s’étaient conduits en enfans dans toutes leurs entreprises. Mais ayant appris le soulèvement des rondachers et la catastrophe de la conjuration d’Apelles et de Léontius, ils reculèrent le jour où ils devaient se trouver à Rhios, dans l’espérance qu’il s’élèverait à la cour quelque sédition dont le roi ne se tirerait qu’avec peine. Philippe saisit d’autant plus volontiers cette occasion de continuer la guerre, qu’il en espérait un heureux succès, et qu’il était venu dans le dessein d’empêcher la paix. Ainsi, loin de porter les alliés qui étaient venus à Rhios à en traiter, il les encouragea à continuer la guerre ; ensuite il mit à la voile et retourna encore à Corinthe. Il permit aux Macédoniens de s’en aller par la Thessalie prendre leurs quartiers d’hiver dans leur pays, puis, côtoyant l’Attique sur l’Euripe, il alla de Cenchrée à Démétriade, où il trouva Ptolémée, le seul qui restait des conjurés, et le fit condamner à mort par une assemblée de Macédoniens.

Tout ceci arriva au temps qu’Annibal campait en Italie sur le Pô, et qu’Antiochus, après s’être soumis la plus grande partie de la Cœlo-Syrie, avait envoyé ses troupes en quartiers d’hiver. Ce fut aussi alors que Lycurgue, roi des Lacédémoniens, s’enfuit en Étolie pour se dérober à la colère des