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POLYBE, LIV. V.

tes. Ils se flattaient que les prisonniers leur prêteraient la main ; mais ils se flattaient en vain : les officiers avaient prévu cet accident, et avaient barricadé les portes. Alors les conjurés se portèrent à un désespoir vraiment digne des Lacédémoniens : il se percèrent eux-mêmes de leurs poignards. Ainsi mourut Cléomène, prince d’un commerce agréable, d’une intelligence et d’une habilité singulières pour les affaires, grand capitaine et grand roi.

Peu de temps après cet événement, Théodore, gouverneur de la Cœlo-Syrie, Étolien de nation, prit le dessein d’aller trouver Antiochus et de lui livrer les villes de son gouvernement. Deux choses le poussèrent à cette trahison : son mépris pour la vie molle et efféminée du roi, et l’ingratitude de la cour, qui, bien qu’il eût rendu de grands services à son prince, et surtout dans la guerre contre Antiochus au sujet de la Cœlo-Syrie, non-seulement ne lui avait donné aucune récompense, mais l’avait rappelé à Alexandrie, où il avait couru risque de perdre la vie. Sa proposition fut bien reçue, comme l’on peut croire, et la chose fut bientôt réglée. Mais il est bon de faire pour la maison royale d’Antiochus, ce que nous avons fait pour celle de Ptolémée, et de remonter jusqu’au temps où ce prince commença de régner, pour venir ensuite à ce qui donna lieu à la guerre dont nous devons parler.




CHAPITRE X.


Antiochus succède à Seleucus son père. — Caractère d’Hermias, ministre de ce roi. — Sa jalousie contre Épigène.-Antiochus épouse Laodice fille de Mithridate. — Révolte de Molon.


Antiochus, le plus jeune fils de Seleucus, surnommé Callinique, après que son père fut mort, et que Seleucus son frère aîné lui eut succédé, se retira d’abord dans la haute Asie, jusqu’à ce que, son frère ayant été tué par trahison au-delà du mont Taurus, où nous avons déjà dit qu’il avait passé avec une armée, il revint prendre possession du royaume. Il fit Achéus gouverneur du pays d’en deçà du mont Taurus, et donna le gouvernement des hautes provinces du royaume à Molon et à Alexandre son frère. Le premier fut gouverneur de la Médie, et l’autre de la Perse. Ces deux gouverneurs méprisaient fort la jeunesse du roi, et comme d’une part ils espéraient qu’Achée entrerait volontiers dans leurs vues, et que de l’autre ils craignaient la cruauté et les artifices d’Hermias, qui était alors à la tête des affaires, ils se mirent en tête d’abandonner Antiochus, et de soustraire à sa domination les hautes provinces. Cet Hermias était de Carie, et Seleucus, frère d’Antiochus, lui avait confié le soin des affaires de l’état, lorsqu’il partit pour le mont Taurus. Élevé à ce haut degré de puissance, il ne pouvait souffrir que d’autres que lui fussent en faveur à la cour. Naturellement cruel, des plus petites fautes il en faisait des crimes, et les punissait rigoureusement. Quelquefois c’était des accusations calomnieuses qu’il intentait lui-même et sur lesquelles il décidait en juge inexorable. Mais il n’en voulait à personne plus qu’à Épigène, qui avait ramené les troupes qui avaient une confiance entière en lui. Un ministre jaloux ne pouvait voir ces grandes qualités et ne pas les haïr ; il l’observait et n’épiait que l’occasion de le desservir auprès du prince. Le conseil qui se tint sur la révolte de Molon lui parut favorable à son dessein ; Antiochus y ayant ordonné à chacun de dire comment il croyait qu’on devait se conduire

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