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POLYBE, LIV. V.

l’aile gauche de Ptolémée fut défaite, et prit la fuite.

Échécrates, à l’aile droite, attendit d’abord quel serait le sort de la gauche. Mais quand il vit le nuage de poussière qui allait envelopper ses troupes, et que les éléphans n’avaient pas le courage d’approcher des ennemis, il envoya dire à Phoxidas, qui commandait les mercenaires grecs, de charger ceux qu’il avait en front ; il fit en même temps défiler, par l’extrémité de l’aile, son corps de cavalerie avec celle qui était rangée derrière les éléphans, et, ayant évité, par ce moyen, les éléphans de l’aile gauche d’Antiochus, il tomba sur la cavalerie des ennemis, et, attaquant les uns en queue et les autres en flanc, il la renversa toute en peu de temps. Phoxidas eut le même succès ; car, fondant sur les Arabes et les Mèdes, il les contraignit de prendre la fuite. Antiochus vainquit donc par sa droite, et fut vaincu à sa gauche. Il ne restait plus d’intactes que les phalanges, qui, au milieu de la plaine, privées de leurs ailes, ne savaient que craindre ni qu’espérer.

Pendant qu’Antiochus triomphait à son aile droite, Ptolémée, qui avait fait retraite derrière sa phalange, s’avança au milieu, et, se présentant aux deux armées, jeta celle des ennemis dans l’épouvante, et fit naître, au contraire, dans tous les cœurs de la sienne, de nouvelles forces et une nouvelle ardeur de combattre. Andromaque et Sosibe marchent piques baissées contre l’ennemi. L’élite des Syriens soutint le choc pendant quelque temps ; mais le corps que Nicarque conduisait lâcha pied d’abord. Pendant ce combat, Antiochus, jeune alors et sans expérience, et jugeant des avantages du reste de son armée par ceux de l’aile qu’il commandait, s’occupait à poursuivre les fuyards. Enfin un des vétérans qui le suivaient l’arrêta en lui montrant la poussière qui était portée de la phalange vers son camp. Il accourt avec ses gens d’armes au champ de bataille ; mais, tous ses gens ayant pris la fuite, il se retira à Raphie ; sa consolation fut qu’il était victorieux autant qu’il avait dépendu de lui, et qu’il n’avait été vaincu que par la lâcheté et la poltronnerie des siens.

Après que la phalange eut décidé de la bataille, et que la cavalerie de l’aile droite, jointe aux mercenaires, fut de retour de la poursuite des fuyards, dont grand nombre avait été tué, Ptolémée se retira dans son camp, et y passa la nuit. Le lendemain il fit enlever et enterrer ses morts, et dépouiller ceux des ennemis. Il décampa ensuite et marcha vers Raphie. Le premier dessein d’Antiochus après la défaite de ses troupes, était de ramasser tous ceux qui fuyaient en corps, et de mettre le camp hors de cette ville ; mais, comme la plupart de ses gens s’y étaient retirés, il fut obligé, malgré lui, de s’y retirer lui-même. Il en sortit donc de grand matin avec les débris de son armée, et prit le chemin de Gaza, où il campa. De là il envoya demander ses morts à Ptolémée, et leur fit rendre les derniers devoirs. Il perdit dans cette bataille à peu près dix mille hommes d’infanterie, et plus de trois cents chevaux, quatre mille prisonniers, et cinq éléphans, dont trois moururent sur le champ de bataille, et deux de leurs blessures. La perte de Ptolémée fut de quinze cents fantassins et de sept cents chevaux. Seize de ses éléphans restèrent sur la place, la plupart des autres furent pris. Ainsi finit la bataille de Raphie, donnée entre ces deux rois au sujet de la Cœlo-Syrie.