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POLYBE, LIV. V.

aucune part aux affaires des autres Grecs ; ils suivirent aveuglément les inclinations de ces deux magistrats. Quelques honneurs qu’on demandât qu’ils rendissent à tous les rois et principalement à Ptolémée, ils les rendirent. Il n’est point de sorte de règlemens et d’éloges qu’ils n’aient souffert qu’on ne fit pour eux. Ils passèrent beaucoup au-delà des bornes de la bienséance, sans que ceux qui étaient à leur tête eussent la prudence et le courage de les arrêter.

Peu de temps après, Ptolémée fut obligé de faire la guerre à ses propres sujets. On doit convenir qu’à considérer le temps où il conçut le projet de faire marcher les Égyptiens contre Antiochus, il était à propos qu’il le conçût ; mais, à considérer l’avenir, c’était une chose pernicieuse. Ce peuple, enflé des avantages qu’il avait remportés à Raphie, ne daigna plus écouter les ordres qu’on lui donnait ; il se crut assez de forces pour soutenir une révolte ; il ne chercha plus qu’un chef et un prétexte pour se mettre en liberté, et il se révolta en effet bientôt après.

Pour Antiochus, ayant fait pendant l’hiver de grands préparatifs, il passa, au commencement de l’été, le mont Taurus, et, après avoir conclu une alliance avec Attalus, il se mit en marche contre Achéus.

Comme les Étoliens avaient été malheureux dans la dernière guerre, ils furent d’abord bien aises d’avoir fait la paix avec les Achéens, et ce fut pour cela qu’ils élurent pour préteur Agélaüs de Naupacte, parce qu’il semblait avoir le plus contribué à cette paix. Mais ils ne furent pas long-temps à se dégoûter et à se plaindre de leur préteur, qui, en faisant la paix, non avec quelque peuple particulier, mais avec toute la Grèce, leur avait retranché toutes les occasions de faire du butin sur leurs voisins. Mais Agélaüs, soutenant avec constance ces plaintes injustes, les retint malgré eux dans le devoir.

Après la paix, Philippe s’en retourna par mer en Macédoine ; il y trouva Scerdilaïdas, qui, sous le même prétexte qu’à Leucade, avait pris depuis peu Pissé dans la Pélagonie, gagné, par des promesses, les villes de Dassarétide et les Phébatides, Antipatrie, Chrysondion et Gertuns, et fait des courses dans la plus grande partie des terres de Macédoine qui confinent à ces villes. Philippe se mit en campagne pour reprendre les places qui s’étaient séparées de son parti, et pour défaire Scerdilaïdas. Rien, à son avis, n’était plus nécessaire pour l’heureux succès de ses entreprises, et, entre autres, pour l’expédition qu’il méditait en Italie, que de mettre ordre aux affaires d’Illyrie. Demetrius le portait si vivement à cette expédition, qu’il en était uniquement occupé, et que la nuit, s’il avait des songes, c’était sur cette guerre. Il ne faut pas croire que ce fut par amitié pour Philippe que Demetrius le poussait à marcher contre les Romains ; l’amitié n’y entrait que pour la moindre partie : c’était par haine pour cette république, et parce qu’il n’y avait pas pour lui d’autre moyen de rentrer dans l’île de Pharos. Philippe reprit donc les villes dont nous avons parlé ; dans la Dassarétide, Créonion et Gertuns ; le long du lac de Lichnide, Enchelas, Céraces, Sation, Clos ; Bantie dans le pays des Calicoéniens, et celui des Pyzentins, Orgise ; après quoi il mit son armée en quartier d’hiver. Ce fut ce même hiver qu’Annibal passa autour de Gérunium, après avoir ravagé les plus beaux pays de l’Italie, et après que les Romains