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POLYBE, LIV. VII.

contre la foi des traités : il est aisé d’en juger par ce qu’il fit ensuite ; mais comme, peu de temps auparavant, un jeune soldat lui avait aigrement reproché le danger auquel il allait exposer son armée, il ne put résister à la franchise, à l’autorité, aux instances avec lesquelles Aratus le priait de faire attention à son avis. Il abandonna son premier dessein, et, prenant la main d’Aratus : « Eh bien, dit-il, reprenons donc le chemin par où nous sommes venus ! » (Dom Thuillier.)


Philippe, roi de Macédoine.


Interrompons pour un moment le fil de notre narration pour dire un mot sur Philippe ; car c’est ici l’époque du changement fatal qui se fit dans sa conduite et dans sa manière de gouverner : on ne peut proposer un exemple plus illustre à ceux qui, étant à la tête des affaires, cherchent à s’instruire par la lecture de l’histoire. Né maître d’un royaume puissant et avec les plus belles inclinations, il est connu des Grecs par ses bonnes qualités et ses défauts, et l’on connaît également les succès qu’il a mérités par les unes et les malheurs qu’il s’est attirés par les autres. Il monta fort jeune sur le trône. Cependant jamais roi ne fut plus aimé qu’il l’était dans la Thessalie, dans la Macédoine, dans tous les pays soumis à sa domination. En veut-on une preuve incontestable ? Pendant qu’il fit la guerre contre les Étoliens et les Lacédémoniens, il était presque toujours hors de la Macédoine. Malgré cela, ni les peuples que je viens de nommer, ni les Barbares voisins de son royaume, n’osèrent y mettre le pied. Que dirai-je de la tendresse et de l’empressement qu’ont eus à le servir Alexandre, Chrysogone et tous ses autres amis ? par combien de bienfaits ne s’attacha-t-il pas en peu de temps, par les liens de la plus vive reconnaissance, les peuples du Péloponnèse, de la Béotie, de l’Épire et de l’Acarnanie ? Si j’ose le dire, il était l’amour et les délices de la Grèce par son caractère officieux et bienfaisant. Une marque éclatante du crédit que donne aux princes la réputation de probité et de fidélité, c’est que les Crétois le choisirent unanimement pour chef et maître de leur île ; et, ce qui peut-être ne s’est jamais vu, tout cela s’est fait sans armes et sans combats. Mais, depuis la conduite qu’il tint avec les Messéniens, tout changea de face ; la haine qu’on eut pour lui égala l’amitié qu’on avait eue. Il devait en effet s’y attendre : prenant des dispositions toutes contraires aux premières et agissant en conséquence, il était naturel qu’il perdît la réputation qu’il s’était faite, et que ses affaires n’eussent plus le même succès qu’avant son changement. C’est ce qui lui arriva en effet, comme on verra dans la suite de cette histoire. (Vertus et vices.) Dom Thuillier.


Aratus.


Quand Philippe se fut ouvertement déclaré contre les Romains, et qu’il eut entièrement changé de conduite à l’égard de ses alliés, Aratus lui proposa mille motifs, mille raisons pour le détourner de cette entreprise ; il y réussit, mais ce ne fut pas sans peine. Ici je prie mes lecteurs, afin qu’il ne leur reste de doute sur rien, de se rappeler une promesse que nous avons faite dans le cinquième livre de cette histoire. En racontant la guerre d’Étolie, nous avons dit que, si Philippe avait renversé les portiques et détruit les autres ornemens de la ville de Therme,