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POLYBE, LIV. VIII.

entreprise ! Ôtez de Syracuse un seul vieillard, et les Romains, avec de si grandes forces sur terre et sur mer, s’en rendront immanquablement maîtres. Mais sa seule présence fait que l’on n’ose pas même l’attaquer, au moins de la manière qu’Archimède pouvait empêcher. L’unique ressource que les Romains crurent qu’il leur restait, fut de réduire par la faim le peuple nombreux qui était dans la ville. Pour cela, avec l’armée navale, on intercepta tous les vivres qui pouvaient leur venir par mer, et l’autre armée coupa tous les convois qui leur venaient par terre. Et pour ne point perdre entièrement le temps qu’ils devaient rester devant Syracuse, mais l’employer ailleurs à quelque chose d’avantageux, les consuls partagèrent leur armées. Appius, avec les deux tiers, continua le siége de la ville ; et Marcellus, avec l’autre tiers, alla porter le ravage dans les terres de ceux des Carthaginois qui avaient embrassé la cause des Siciliens. (Dom Thuillier.)


IV.


Affaires de Philippe. — Théopompe.


Philippe, arrivé dans la Messénie, saccagea tout le pays, et y fit de cruels ravages ; la colère le transportait et ne lui permettait pas de réfléchir sur cette violence. Se peut-il qu’il espérât que les peuples infortunés qu’il frappait sans cesse, recevraient ses coups sans se plaindre et sans le haïr ? Au reste, si dans ce livre et dans le précédent, j’ai rapporté naïvement ce que je savais des mauvaises actions de Philippe, ce qui m’y a engagé, c’est, outre les raisons que j’ai déjà dites, le silence que gardent quelques historiens sur les affaires des Messéniens, et la faiblesse des autres, qui, par inclination pour ce prince, ou par crainte de lui déplaire, non-seulement ne blâment pas ses méfaits, mais lui en font un mérite. Ce défaut se remarque dans les historiens des autres princes comme dans ceux du roi de Macédoine. Aussi sont-ils bien moins historiens que panégyristes.

Dans l’histoire d’un monarque, on ne doit jamais ni blâmer ni louer contre la vérité. Il faut faire attention à ne pas démentir dans un endroit ce qu’on a dit dans un autre, et prendre garde surtout que ses inclinations y soient peintes au naturel. Il est vrai que ce conseil, qu’il est aisé de donner, est très-difficile à mettre en pratique ; car dans combien de circonstances ne se trouve-t-on pas, où il n’est pas possible de dire ou d’écrire tout ce que l’on pense ? Je pardonne donc à quelques-uns de n’avoir pas suivi, en écrivant, les règles que le bon sens prescrit, et que je viens d’exposer ; mais on ne peut pardonner à Théopompe de les avoir violées si grossièrement.

À l’entendre, il n’a entrepris l’histoire de Philippe, fils d’Amynthas, que parce que l’Europe n’a jamais produit d’homme comparable à ce prince. Cependant, dès la première page et dans la suite de son ouvrage, il nous le représente comme un homme passionné à l’excès pour les femmes, et qui, par là, s’est exposé à perdre sa propre maison. Il nous le peint injuste et perfide à l’égard de ses amis et de ses alliés, asservissant les villes par ruse et par violence, adonné au vin jusqu’à paraître ivre en plein jour. Que l’on jette les yeux sur le commencement du neuvième et du quarantième de ses livres, on sera frappé des emportemens de cet écrivain. Voici, entre autres choses, ce qu’il a eu la hardiesse de dire ; je me sers de ses propres termes :

« Si, chez les Grecs ou chez les Bar-