Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/678

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
670
POLYBE, LIV. VIII.

manquer le dessein qu’ils avaient de le mener vivant à Antiochus.

Tout étant ainsi disposé, Bolis retourna trouver Cambyle, qui, dans la même nuit, le conduisit à Antiochus, et le laissa seul avec lui. Le roi lui fit mille caresses, lui confirma les promesses qu’il lui avait déjà faites, et les exhorta vivement l’un et l’autre à se hâter autant que possible. Les deux perfides retournent au camp, et, avant le jour, Bolis part avec Arien pour aller à la citadelle, où ils entrèrent avant que le jour parût.

Achéus reçut Bolis avec beaucoup de marques d’amitié, et lui demanda de nombreux détails sur tout ce qui regardait l’affaire qui les amenait, et, jugeant sur son air et sa conversation, qu’il était homme à faire bien espérer de ce qu’il entreprendrait, il se livrait à la joie que lui donnait l’espoir d’une délivrance prochaine ; mais cette joie n’était pas telle, qu’elle ne fût quelquefois troublée par l’inquiétude où le jetait la vue des graves conséquences que sa sortie de la citadelle pouvait avoir. Dans cette incertitude, comme il avait joint à une grande pénétration une longue expérience, il ne jugea pas à propos de s’abandonner entièrement à la bonne foi de Bolis, C’est pourquoi il lui dit que, dans le moment, il ne lui était pas possible de le suivre, mais qu’il enverrait avec lui trois ou quatre amis à Mélancome, et que, sur leur rapport, il se tiendrait prêt à sortir. Achéus, par là, prenait toutes les précautions qu’il pouvait prendre, mais il ne songeait pas qu’il avait affaire à un Crétois ; car Bolis s’était préparé à tout ce qu’on lui pourrait objecter sur cette entreprise.

La nuit venue, pendant laquelle Achéus avait dit qu’il enverrait trois ou quatre de ses amis, il fit aller Arien et Bolis à la porte de la citadelle, et leur donna ordre d’y attendre ceux qui devaient partir avec eus. Pendant ce temps-là il révéla enfin à sa femme ce qu’il avait entrepris. Laodice fut si effrayée d’une nouvelle si extraordinaire, qu’elle en pensa mourir. Achéus, l’ayant encouragée, et ayant flatté sa douleur par l’espérance d’un meilleur sort, il prit quatre de ses amis, à qui il fit revêtir des habits grossiers, il en prit un lui-même des plus simples, et, dans cet état, tous cinq se mirent en chemin. Il avait donné ordre à un de ses amis de répondre seul à tout ce qu’Arien dirait, de s’informer de lui seul, de ce qu’il y aurait à faire, et de dire que les autres étaient des Barbares. Quand ils eurent joint Arien, celui-ci marcha devant comme sachant le chemin ; Bolis suivit, selon qu’on était convenu, non sans inquiétude sur le succès de sa trahison ; car, quoiqu’il fût Crétois, et par conséquent toujours sur ses gardes contre tout le monde, il ne pouvait, dans l’obscurité, ni reconnaître Achéus, ni savoir même s’il était dans la troupe. Mais comme la descente était difficile et escarpée, qu’il y avait même des pas glissans et dangereux, l’attention que l’on eut, tantôt à soutenir, tantôt à attendre Achéus, donna moyen à Bolis de le distinguer : ce qu’il aurait eu peine à faire sans ces attentions qu’on avait coutume d’avoir pour lui, et dont on ne pensa point alors à s’abstenir.

Quand on fut arrivé au lieu désigné par Cambyle, Bolis donna le signal par un coup de sifflet. Alors ceux qui étaient en embuscade saisissent les quatre amis ; mais Bolis se jeta lui-même sur Achéus, qui avait les bras cachés sous ses habits, et le serra par le milieu du corps, de peur qu’il ne lui prît idée de se percer d’un poignard qu’il avait apporté. Le malheureux Achéus se trouve en un