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On pouvait les distinguer aisément, le clairon (lituus) formé d’un bois mince, revêtu de cuir, rendait un son aigu, et ne ressemblait en rien à celui qui sortait de l’airain, que l’on désignait sous le nom de tuba, trompette.

Tuba, est l’instrument qu’embouchait le fantôme qui apparut devant l’armée de César, au passage du Rubicon. Suétone dit que ce prétendu spectre fit entendre le classicum. Il sonnait bien un appel, en effet, mais c’était celui de la guerre civile.

Tant qu’il n’y eût dans les armées romaines que des citoyens et des troupes latines, l’ordonnance et la composition si sagement calculées des légions ne demandèrent qu’un campement simple comme elles. Il n’en fut pas ainsi quand les empereurs prirent définitivement à leur solde des hordes du Nord et du Midi.

Les peuples soumis par la force, inspirent de la crainte à leurs maîtres ; il fallait autant d’adresse pour paralyser, dans le camp, les efforts qu’aurait pu tenter là révolte, qu’on en développait à se prémunir contre l’ennemi du dehors. À l’un on opposait des retranchemens ; on crut se garantir de l’autre, en l’environnant de troupes nationales.

Sous Hadrien, le camp dessinait un rectangle dont le plus long côté surpassait l’autre d’un tiers. On le divisait sur sa longueur en trois sections principales, que l’on appelait prétenture à la partie antérieure ; prétoire au centre ; et retenture dans la partie postérieure. Les légions formaient, le long du retranchement, une espèce d’enceinte dont les troupes étrangères occupaient le centre.

L’espace réservé au prétoire était double de celui qu’occupait le consul sous la république ; car le luxe et la mollesse, deux autres ennemis non moins dangereux que les Barbares, s’étaient introduits dans le camp avec le nombreux cortége qu’ils traînent à leur suite.

Si la discipline romaine produisit de grands effets, tant qu’elle fut soutenue par l’amour de la patrie, elle ne pouvait plus rien sur des troupes qu’animaient seulement l’espoir du pillage, ou la nécessité de se soustraire au châtiment.

À côté de ce châtiment, on ne voyait plus, comme autrefois, les récompenses si habilement calculées depuis la simple couronne de chêne jusqu’au triomphe éclatant. Aucun peuple ne connut, comme les Romains, l’art d’employer ces deux puissans ressorts, dont l’un soumet les volontés de l’homme le plus indocile, tandis que l’autre élève l’âme et l’élance vers la gloire.




CHAPITRE VII.


Première guerre punique. Bataille d’Adis ; Bataille de Tunis. — Bataille d’Antiochus Soter contre les Galates. — Passage des Gaulois en Grèce et en Asie.


Les guerres entreprises par les Romains furent généralement plus savantes que celles des Grecs. Si ces derniers avaient perfectionné la science militaire sous le rapport de la discipline et de la tactique, les Romains qui parvinrent à les égaler dans ces deux parties fondamentales de la science, les surpassèrent de beaucoup dans l’art de réduire la guerre en système, d’y unir la politique, d’en faire la chose principale de l’État, de tourner enfin toutes les ressources de la république vers un plan fixe d’agrandissement et de conquêtes, invariablement suivi de génération en génération. C’est par cet avantage seu-