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POLYBE, LIV. IX.

en décidassent. En vérité, cette action n’est-elle pas bien digne qu’on lui en fasse un crime ? Vous reprochez amèrement à Alexandre d’avoir puni les Thébains de leur révolte, et vous ne dites rien de la manière dont il a vengé les Grecs des insultes des Perses, des maux extrêmes dont il vous a tous délivrés, après avoir réduit les Barbares en servitude et leur avoir enlevé ces richesses avec lesquelles ils corrompaient les Grecs, tantôt les Athéniens et leurs ancêtres, tantôt les Thébains, les soulevant les uns contre les autres et jugeant des coups : désordre affreux auquel Alexandre a mis fin en soumettant l’Asie à la Grèce. Comment osez-vous parler de ses successeurs ? Il est vrai que, selon les diverses conjonctures, comme ils ont fait du bien aux uns, ils out souvent causé beaucoup de maux aux autres ; mais ces maux, il vous convient moins qu’à personne de vous en souvenir, à vous, dis-je, dont personne ne se loue, et dont bien des gens se plaignent. Qui a poussé Antigonus à perdre la république des Achéens ? qui est-ce qui a traité avec Alexandre d’Épire pour subjuguer et partager l’Acarnanie, si ce n’est vous ? qui, si ce n’est vous, a donné le commandement des troupes à ces gens audacieux qui ont eu la témérité de porter leurs mains sur les lieux les plus sacrés ? témoins Timée, qui, à Ténare, a pillé le temple de Neptune, et, à Lysse, celui de Diane ; Pharyce et Polycrite, dont l’un a dépouillé le temple de Junon à Argos, et l’autre n’a pas plus respecté celui de Neptune à Mantinée ; témoins encore Lattabe et Nicostrate, qui, aussi perfides que les Scythes et les Gaulois, ont, au milieu de la paix, insulté l’assemblée des Béotiens. Jamais les successeurs d’Alexandre n’en ont tant fait. Et, après tant d’horreurs que vous ne pouvez justifier, vous osez encore vous vanter d’avoir soutenu l’effort des Barbares à l’invasion de Delphes, et dire que les Grecs doivent vous être reconnaissans ! Mais si l’on doit vous savoir gré de ce seul service, que ne devons-nous pas aux Macédoniens, qui emploient la plus grande partie de leur vie à défendre la Grèce contre les Barbares ? Car qui ne voit qu’elle serait dans un très-grand péril, si nous n’avions à opposer à nos ennemis et les Macédoniens et la passion pour la gloire dont leurs rois sont animés ? En voulez-vous une preuve convaincante ? Dès que les Gaulois, après la défaite de Ptolémée surnommé le Foudre, ne craignirent plus les Macédoniens, ils ne s’inquiétèrent plus des autres Grecs, et se jetèrent, Brennus à leur tête, au milieu de la Grèce, malheur qui serait arrivé bien des fois, si les Macédoniens n’eussent été placés à l’entrée de la Grèce. Je pourrais m’étendre davantage sur leurs anciens exploits, mais je crois en avoir dit assez.

« On accuse Philippe d’impiété, et on lui reproche la destruction d’un temple : et on garde le silence sur les sacriléges que commirent les Étoliens dans les temples et dans les bois sacrés de Dios et de Dodone ; c’est cependant par où l’on devait commencer. Mais, loin de cela, les maux que vous avez soufferts, vous les rapportez d’abord en les faisant beaucoup plus grands qu’ils n’ont été en effet, et ceux dont vous êtes les premiers auteurs, vous n’en faites nulle mention. Pourquoi cela ? parce que vous savez que l’on est porté naturellement à attribuer les injustices et les pertes que l’on a souffertes, à