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POLYBE, LIV. IX.

ceux qui ont attaqué les premiers. À l’égard d’Antigonus, je n’ai dessein d’en parler qu’autant qu’il le faut pour ne point paraître mépriser ce qu’il a fait, ni regarder comme rien le service important qu’il vous a rendu ; je ne crois pas qu’il se trouve un plus grand bienfait dans l’histoire ; il me paraît tel, qu’on ne pouvait rien y ajouter. Faisons le voir : Ce prince fait la guerre contre vous, il vous défait en bataille rangée, et devient, par là, maître du pays et de la ville : il pouvait alors user des droits de conquête ; cependant il fut si fort éloigné de le faire, quoique ce fût contre vos intérêts, qu’entre autres bienfaits, ayant chassé le tyran et aboli ses lois, il vous rétablit dans la forme de gouvernement que vous aviez reçue de vos pères ; en reconnaissance de quoi, vous l’avez déclaré votre bienfaiteur et votre libérateur. Que fallait-il donc que vous fissiez ? Je vous dirai, Lacédémoniens, ce qu’il m’en semble, et vous ne m’en voudrez point de mal ; car ce ne sera pas pour vous rien reprocher mal à propos, mais parce que la conjoncture présente m’oblige à vous faire sentir ce que le bien commun demande de vous. Que vous dirai-je donc ? Que dans la dernière guerre ce n’était pas avec les Étoliens, mais avec les Macédoniens que vous deviez vous joindre, et qu’aujourd’hui que vous en êtes sollicités, vous devez plutôt vous joindre à Philippe qu’aux Étoliens. Cela ne se peut, direz-vous, sans violer la foi des traités. Mais lequel des deux est le plus criminel, ou de rompre un traité fait en particulier, entre vous et les Étoliens, ou d’en rompre un autre, fait en présence de tous les Grecs, gravé sur une colonne et mis au nombre des monumens sacrés ? Comment craignez-vous de mépriser un peuple à qui vous n’avez aucune obligation, pendant que vous n’avez nul égard pour Philippe et les Macédoniens, de qui vous tenez la liberté même que vous avez à présent de délibérer sur cette affaire ? Croyez-vous qu’il soit nécessaire de garder fidélité à ses amis, et qu’on ne soit pas dans la même obligation à l’égard de ceux à qui l’on doit ce que l’on est ? Certes, ce n’est pas une action si pieuse d’être fidèles à des conventions écrites, que c’en est une impie de prendre les armes contre ceux qui nous ont sauvés. C’est néanmoins ce que les Étoliens demandent que vous fassiez. Mais je consens que tout ce que j’ai dit jusqu’ici passe, chez certains esprits trop prévenus, pour étranger au sujet qui nous assemble ; je reviens donc à ce qui en fait le principal chef, savoir, que, si les affaires sont à présent dans le même état que quand vous fîtes alliance avec les Étoliens, vous devez demeurer fidèles à cette alliance, car c’est ce que nous avons proposé d’abord. Mais si l’état de la Grèce n’est plus le même, il est juste que vous délibériez sur ce à quoi nous vous exhortons, comme si vous n’aviez antérieurement contracté aucun engagement. Or, je voudrais bien savoir, Cléonice et vous Chléneas, quels étaient vos alliés, lorsque vous poussiez les Lacédémoniens à se joindre à vous ? n’étaient-ce pas alors tous les Grecs ? Mais, à présent, à qui êtes-vous joints ? dans quelle alliance cherchez-vous à engager les Lacédémoniens, si ce n’est dans celle des Barbares ? Il vous sied vraiment bien de dire que vos affaires sont aujourd’hui dans le même état qu’elles