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POLYBE, LIV. X.

Il exerçait encore ses soldats à avancer sur l’ennemi et à faire retraite de manière que, même en courant, on ne quittât pas ses rangs, et que le même intervalle se trouvât toujours entre les escadrons ; car rien n’est plus inutile et plus dangereux que de faire charger une cavalerie qui a rompu ses rangs.

Après avoir ainsi instruit et les soldats et les officiers, il parcourut les villes pour y examiner, premièrement si le peuple se conformait bien à ses ordres, et en second lieu si ceux qui y commandaient étaient capables de les bien transmettre et de les bien faire comprendre ; car il avait cette opinion, que rien n’était plus nécessaire à l’heureux succès des entreprises, que l’habileté des officiers subalternes.

Après avoir ainsi disposé toutes choses, il fit sortir des villes sa cavalerie, et l’assembla dans un lieu où lui-même lui montrait tous les mouvemens qu’elle devait faire, et faisait lui-même tous les exercices des armes. Pour cela il ne se tenait pas toujours à la tête, comme nos capitaines font aujourd’hui, s’imaginant que la première place est la seule qui leur convienne : ce n’est pas savoir son métier et c’est exposer le service, que d’être vu de tout le monde et de ne voir personne. Il ne s’agit pas de faire voir que l’on a de l’autorité sur des soldats, il faut montrer qu’on s’entend à les conduire, et se trouver par conséquent tantôt à la tête, tantôt à la queue, tantôt au centre. C’est ce que faisait Scipion, voltigeant d’escadrons en escadrons, les inspectant tous par lui-même, donnant des explications plus détaillées et plus claires à ceux qui semblaient hésiter, corrigeant dès le principe tout ce qui n’avait pas été bien fait, et trouvant en effet très-rarement à corriger : tant il avait mis de soin et de clarté à donner ses instructions à chacun ! Un mot de Demetrius de Phalère fait bien sentir toute la bonté de cette méthode : « Il en est, disait-il, d’une armée comme d’un édifice : de même que l’édifice est bon lorsqu’on a donné tous ses soins à ce que chaque partie soit bien conçue en détail, bien exécutée à la place qui lui convient et bien enchaînée à toutes les autres parties, de même dans une armée la vigueur de l’ensemble se compose de la vigueur et de l’instruction de chaque compagnie et de chaque soldat en particulier. » (Dom Thuillier.)


III.


Plaintes des Étoliens contre les Romains.


« Dans la circonstance présente, disaient-ils, on se conduit avec nous comme si l’on rangeait une armée en bataille. Alors, on place ordinairement en tête ce qu’il y a de plus léger et de plus brave dans les troupes, pour résister aux plus grands dangers et périr souvent les premiers ; tandis qu’on réserve à la phalange et aux troupes pesamment armées l’honneur de la victoire. Il en est de même ici : on expose aux premiers coups les Étoliens et les peuples du Péloponnèse qui font cause commune avec eux : les Romains sont la phalange de réserve, destinée à porter secours. Si, par un revers de fortune, les Étoliens viennent à être défaits, les Romains feront leur retraite sans avoir couru aucun danger ; si, au contraire, les Étoliens remportent la victoire, ce qu’à Dieu ne plaise ! les Romains ne manqueront pas de les soumettre, eux et tous les autres peuples de la Grèce. » (Dom Thuillier.)


Toute société démocratique a besoin d’avoir des alliés, car la multitude