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POLYBE, LIV. X.


IV.


Forces de la Médie plus grandes que celles de toutes les autres dynasties de l’Asie. — Richesses surprenantes du palais du roi des Mèdes à Ecbatane. — Expédition d’Antiochus contre Arsacès, un des premiers fondateurs de l’empire des Parthes.


La Médie est le plus puissant royaume de l’Asie, soit que l’on considère l’étendue du pays, soit qu’on le regarde par le nombre et la force des hommes, ou même des chevaux qu’on y trouve. C’est elle qui fournit toute l’Asie de ces sortes d’animaux, et ses pâturages sont si bons, que les autres rois y mettent leurs haras. Elle est environnée de tous les côtés de villes grecques. C’est une précaution que prit Alexandre pour la mettre à couvert des insultes des Barbares qui en sont proche. Il n’y a qu’Ecbatane qui ne soit pas de ce nombre. Cette ville est bâtie au nord de la Médie, et commande aux pays qui sont le long des Palus-Méotides et du Pont-Euxin. Elle était dès le commencement la capitale du royaume. Les richesses et la magnificence des édifices dépassent de beaucoup tout ce que l’on voit dans les autres villes. Située dans un pays de montagnes, sur le penchant du mont Oros, elle n’est point fermée de murailles, mais on y a construit une citadelle d’une force surprenante, et sous laquelle est le palais du roi. Je ne sais si je dois parler en détail de ce qui se voyait dans cette ville, ou le passer entièrement sous silence : c’est un sujet sur lequel pourraient beaucoup s’étendre ces sortes d’historiens qui aiment à débiter du merveilleux, à exagérer chaque chose, et à faire des digressions ; mais quand on croit ne devoir parler de choses qui passent l’ordinaire qu’avec beaucoup de retenue, on est fort embarrassé. Je dirai cependant que ce palais a sept stades de tour, et que la grandeur et la beauté des bâtimens particuliers donne une grande idée de la puissance de ceux qui les ont élevés les premiers ; car, quoique tout ce qu’il y avait en bois fût de cèdre et de cyprès, on n’y avait rien laissé à nu. Les poutres, les lambris et les colonnes qui soutenaient les portiques, et les péristyles étaient revêtus, les uns de lames d’argent, les autres de lames d’or ; toutes les tuiles étaient d’argent. La plupart de ces richesses furent enlevées par les Macédoniens du temps d’Alexandre ; Antigone et Seleucus Nicanor pillèrent le reste. Cependant, lorsque Antiochus entra dans ce royaume, le temple d’Éna était encore environné de colonnes dorées, et on trouva dedans une grande quantité de tuiles d’argent, quelques briques d’or, et beaucoup de briques d’argent. On fit de tout cela de la monnaie au coin d’Antiochus, qui se monta à la somme de quatre mille talens.

Arsacès s’attendait bien qu’Antiochus viendrait jusqu’au temple, mais il ne pouvait s’imaginer que ce prince aurait la hardiesse de traverser avec une si grande armée un pays désert, tel que celui qui est proche, et où surtout on ne trouve d’eau nulle part. En effet, sur la surface de la terre on n’en voit point du tout ; il est vrai qu’il y a sous terre des ruisseaux et des puits, mais il faut connaître le pays pour les découvrir. Sur cette nature du sol les habitans débitent une chose qui est vraie, c’est que les Perses, lorsqu’ils se rendirent maîtres de l’Asie, donnèrent à ceux qui feraient venir de l’eau dans les lieux où il n’y en aurait point eu auparavant, l’usufruit de ces lieux-là mêmes, jusqu’à la cinquième génération inclusivement, et que les habitans, animés par cette promesse, n’avaient épargné ni travaux ni dépenses