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POLYBE, LIV. X.

Achriane, ville d’Hyrcanie. Polybe, livre x. (Steph. Byz.) Schweigh.


Calliope, ville du pays des Parthes. Polybe, livre x. (Ibid.)


V.


Claudius Marcellus et Crispinus, consuls, tués faute de connaissance de la guerre. Un général ordinairement ne doit pas se trouver aux combats particuliers. — Éloge d’Annibal.


M. Claudius Marcellus et T. Quintius Crispinus, voulant reconnaître par eux-mêmes le penchant de la montagne qui regardait le camp des ennemis, après avoir donné ordre à ceux qui étaient dans le camp d’y demeurer, prirent avec eux deux turmes de cavalerie, des vélites, et environ trente licteurs, et s’avancèrent sur les lieux pour les bien examiner. Par hasard quelques Numides accoutumés à tendre des embûches aux éclaireurs, et en général à tous ceux qui sortent les premiers du retranchement, s’étaient cachés au pied de la montagne ; ils furent avertis par un homme qui était à la découverte, que quelques troupes romaines étaient montées sur le haut de la montagne. Aussitôt ils sortent de leur embuscade, et, marchant par des sentiers détournés, ils surprennent les consuls, et leur ferment le passage qui conduisait à leur camp. On en vient aux mains : Marcellus est d’abord jeté sur le carreau avec quelques autres ; le reste, tout couvert de blessures, fut obligé de prendre la fuite par des lieux escarpés, les uns d’un côté, les autres d’un autre. Le fils de Marcellus y fut aussi blessé ; il ne se tira de ce danger qu’avec peine, et ce fut une espèce de miracle qu’il en échappât. Les Romains, de leur camp, voyaient ce qui se passait sur la montagne, mais ils ne purent aller au secours des consuls. Les soldats poussèrent des cris, furent épouvantés, on brida les chevaux, on prit les armes, mais pendant ce temps-là l’action se termina. Marcellus se montra en cette occasion plus simple et plus imprudent qu’habile capitaine, et c’est ce qui lui attira cette fin si déplorable.

Je ne puis m’empêcher de rapporter souvent de ces sortes de fautes ; car, entre celles que je vois commettre aux généraux, celle-ci est une de plus ordinaires. Cependant c’est celle de toutes où paraît le plus l’ignorance d’un général ; car que peut-on attendre d’un chef qui ne sait pas qu’un homme qui commande une armée ne doit pas prendre part à des engagemens partiels qui ne décident pas des affaires capitales ? À quoi est bon un général qui ignore que, quand même les conjonctures demanderaient qu’il entreprît quelque action particulière, il faut qu’il périsse beaucoup de ceux qu’il conduit, avant qu’il s’expose lui-même au dernier péril ? S’il y a péril à affronter, c’est l’affaire d’un Carien, comme dit le vieux proverbe, et non d’un général ; car dire : je n’avais pas pensé à cela, ou : qui eût pu prévoir qu’il y en arriverait ainsi ? c’est à mon avis la marque la plus évidente qu’un général puisse donner de son peu d’expérience et de son incapacité.

Annibal, sous bien des rapports, me paraît un grand capitaine ; mais en quoi je trouve qu’il a excellé, c’est que, pendant tant d’années qu’il a fait la guerre, et pendant lesquelles il a éprouvé tant et de si différens effets de la fortune, il a eu l’adresse de tromper bien souvent le général ennemi dans des actions particulières, sans que jamais ses ennemis aient pu le tromper lui-même, malgré le grand nombre de batailles,