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POLYBE, LIV. X.

l’empêcher de porter du secours à ses alliés d’en deçà de Pyles.

Des conjonctures si difficiles et si propres à mettre à l’épreuve, les forces de l’esprit et du corps des grands capitaines, piqueront, je crois, la curiosité des lecteurs ; car, comme on ne connaît jamais mieux la vigueur et la force des animaux que l’on poursuit à la chasse que lorsqu’ils sont pressés de tous côtés, la même chose arrive à l’égard des chefs : Philippe va nous en donner un bel exemple. Il congédia ces ambassades, en leur promettant à toutes qu’il ferait tout son possible pour les contenter : il donna tous ses soins à la guerre, et ne pensa plus qu’à voir en quel endroit et contre qui il fallait d’abord marcher.

Peu après, étant informé qu’Attalus était passé en Europe, qu’il avait abordé à l’île de Peparèthe, et qu’il était maître de la campagne, il envoya des troupes pour garder la ville. Il fit partir Poliphante avec un nombre suffisant de soldats, pour défendre les Phocéens et les terres de la Béotie. Menippe alla par son ordre à Chalcis et dans le reste de l’Eubée avec mille soldats pesamment armés et cinq cents Agrianiens. Lui-même s’avança vers Scotuse, où il avait donné rendez-vous aux Macédoniens. Ayant appris là qu’Attalus avait mouillé l’ancre à Nicée, et que les chefs des Étoliens s’étaient assemblés à Héraclée pour conférer ensemble sur les affaires présentes, il partit de Scotuse dans le dessein de répandre parmi eux la confusion et la terreur ; mais ils étaient partis quand il arriva. Ainsi, après avoir porté le ravage dans le pays et pris ce qu’il put de vivres parmi les peuples qui habitent autour du golfe des Éniens, il retourna à Scotuse et y fit camper son armée. Il en repartit quelque temps après, suivi seulement de ses troupes légères et d’une troupe de cavalerie de sa garde, et alla descendre à Démétriade, où il resta pour observer ce que les ennemis tenteraient ; et pour être mieux instruit de tout ce qui se passerait, il envoya ordre à Peparèthe, dans la Phocide et dans l’Eubée, de l’avertir de tout par des fanaux allumés sur le Tisée, montagne située dans la Thessalie, et d’où ces peuples peuvent très-commodément informer de ce qui se fait chez eux. (Dom Thuillier.)


Digression sur les signaux.


Comme cette manière de donner des signaux, quoique d’un grand usage dans la guerre, n’a pas été jusqu’à présent traitée avec exactitude, il est bon que nous nous y arrêtions un peu pour en donner une connaissance plus parfaite. C’est une chose reconnue de tout le monde que l’occasion et l’à-propos, qui ont une si grande part dans toutes les entreprises, en ont une très-grande dans celles qui regardent la guerre. Or, de toutes les inventions que l’on a faites pour jouir de l’assistance de ces deux auxiliaires, aucune n’est plus utile que les signaux par le feu. Que les choses viennent de se passer, ou qu’elles se passent actuellement, on peut, par ce moyen, en instruire à trois ou quatre journées de là, et quelquefois même à une plus grande distance, de sorte qu’on est surpris de recevoir le secours dont on avait besoin. Autrefois cette manière d’avertir était trop simple, et perdait par là beaucoup de son utilité ; car, pour en faire usage, il fallait être convenu de certains signaux, et comme il y a une infinité de différentes affaires, la plupart ne pouvaient se connaître par des fanaux. Il était aisé, par exemple, d’avertir ceux avec qui