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POLYBE, LIV. X.

à droite, pour l’avertir que cette lettre est la seconde de cette quatrième série. Celui qui observe les signaux devra donc écrire un R sur sa tablette. Par cette méthode il n’arrive rien qu’on ne puisse annoncer d’une manière fixe et déterminée. Si l’on y emploie plusieurs fanaux, c’est parce que chaque lettre demande d’être indiquée deux fois : mais, d’un autre côté, si on y apporte les précautions nécessaires, on en sera satisfait. L’une et l’autre méthode ont cela de commun, qu’il faut s’y être exercé avant que de s’en servir, afin que, l’occasion se présentant, on soit en état, sans faire de faute, de s’instruire réciproquement de ce qu’il importe de savoir.

Au reste, on sait que les choses que l’on voit pour la première fois sont fort différentes d’elles-mêmes, lorsqu’on y est accoutumé. Ce qui paraissait d’abord non-seulement fort difficile, mais même impossible, devient par le temps et par l’habitude le plus aisé du monde à pratiquer. Mille exemples font foi de ce que j’avance, mais le plus convaincant de tous est la lecture. Supposons un homme qui n’ait jamais su lire, quoiqu’il ait d’ailleurs une intelligence assez développée : qu’on ordonne à un enfant qui a l’usage de la lecture de lire quelque chose ; certainement cet homme ne pourra pas se persuader que cet enfant qui lit arrête ses yeux premièrement sur la forme des lettres, secondement sur leur valeur, troisièmement sur la liaison que les unes ont avec les autres, toutes opérations de l’esprit qui chacune demande un certain temps. C’est pourquoi quand il verra cet enfant lire sans s’arrêter et tout d’une haleine six ou sept lignes de suite, il aura toutes les peines du monde à ne pas croire que cet enfant a lu, avant de voir ce qu’on lui a fait lire. Mais si la lecture est accompagnée de gestes, si la ponctuation et les esprits doux et rudes y sont marqués, jamais on ne le persuadera que l’enfant ne s’est pas préparé. Cela nous apprend que les difficultés qui se présentent d’abord, ne doivent pas nous détourner de ce qui est utile. Par l’habitude il n’y a rien de beau ni d’honnête que l’homme ne puisse atteindre ; il faut l’acquérir, mais surtout lorsqu’il s’agit de choses d’où dépendent notre conservation et notre salut. J’ai fait ici cette réflexion à l’occasion de ce que j’ai dit plus haut, que les sciences dans notre siècle avaient été portées à un si haut degré de perfection, qu’il n’y en avait presque point dont on ne pût instruire avec règle et avec méthode ; ce qui fait une des plus belles parties d’une histoire bien composée. (Dom Thuillier.)


VII.


Comment les Aspasiaques nomades passent par terre dans l’Hyrcanie.


Les Aspasiaques nomades habitent entre l’Oxus et le Tanaïs, deux fleuves, dont le premier se décharge dans la mer d’Hyrcanie, et l’autre dans les Palus-Méotides, tous deux assez grands pour être navigables. Il est étonnant de voir que les nomades traversent l’Oxus, et entrent à pied ferme avec leurs chevaux dans l’Hyrcanie. Cela se peut faire, dit-on, de deux manières, dont l’une est vraisemblable, l’autre tient du prodige, quoique absolument elle ne soit pas impossible. Celle-ci est fondée sur ce que l’Oxus prend sa source au mont Caucase. Grossi ensuite par les eaux qu’il reçoit dans la Bactriane, il roule impétueusement ses flots bourbeux dans la plaine. De là il passe dans un désert par dessus des rochers escarpés, dont la hauteur, jointe avec l’abondance des eaux du fleuve, fait que ces eaux se pré-