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POLYBE, LIV. XII.

Il passait encore pour constant, jusqu’à cet historien, que pendant que les Carthaginois étaient maîtres de la Sicile, ce taureau avait été transporté d’Agrigente à Carthage, et qu’on voyait encore l’ouverture par laquelle ce tyran faisait entrer ceux de ses sujets qui lui étaient suspects. Il n’y a d’ailleurs nulle raison de dire qu’un pareil taureau a été fabriqué à Carthage. Malgré cette tradition si bien établie, Timée nie le fait, et soutient que les poètes et les historiens qui l’assurent se sont trompés ; que jamais ce taureau n’a été porté d’Agrigente à Carthage, et que jamais même il n’a été dans Agrigente. Les termes me manquent pour qualifier cette hardiesse. Cela mériterait toutes les invectives dont Timée se sert contre ceux qu’il attaque. Mais on voit assez, par ce que nous avons rapporté plus haut, que la chicane, l’impudence et le mensonge se trouvaient chez lui au souverain degré, et on verra dans la suite qu’il est outre cela parfaitement ignorant. Entre autres preuves que j’en ai dans son xxie livre, sur la fin, il fait dire à Timoléon : « Toute la terre est divisée en trois parties dont l’une s’appelle l’Asie, l’autre l’Afrique, et la troisième l’Europe. » On serait étonné d’entendre parler ainsi cet imbécile qu’on nomme Margitès ; qui donc parmi les historiens est assez ignorant..... (Ibid.)


Il est très-facile de reprendre les autres et très-difficile de se préserver soi-même d’erreur. (In cod. Urbin.) Schweigh.


VI.


Polybe continue de critiquer Timée et quelques autres historiens.


Qui pourrait passer à Timée de semblables fautes, lui qui met tant d’acharnement à trouver par où pèchent les autres ? C’est ainsi, par exemple, qu’il blâme Théopompe d’avoir écrit que Denys opéra son retour de Sicile à Corinthe sur un vaisseau rond, tandis qu’il était long. Il taxe également Éphore de mensonge pour avoir dit que Denys l’Ancien était devenu maître du pouvoir à vingt-trois ans, qu’il en avait régné quarante-deux, et qu’enfin il était mort âgé de soixante-trois ans passés. Cependant une pareille erreur ne doit pas être rejetée sur l’historien, mais évidemment sur le copiste ; car il faudrait qu’Éphore eût surpassé en sottise Corœbus et Margitès, s’il n’avait été capable de compter que quarante-deux ajoutés à vingt-trois font soixante-cinq. Si l’on ne peut admettre de la part d’Éphore une faute de cette nature, il est donc évident qu’elle appartient au copiste. Quant à Timée, personne ne doit souffrir son penchant pour la critique, ni approuver l’amertume qu’il y met. (Angelo Mai, Script. veter. nova collectio, Romæ, 1827 ; et præsertim Jacobus Geel, in-8o, 1829.)


Ailleurs, dans son Histoire de Pyrrhus, Timée dit que, même encore de son temps, les Romains, en mémoire de la prise d’Ilion, tuaient en un jour marqué, et à coups de javelot, un cheval de guerre devant Rome, dans le lieu appelé le Champ-de-Mars ; parce qu’autrefois Troie fut prise au moyen d’un cheval de bois. Mais rien de plus puéril que cette assertion ; car il faudrait admettre alors que tous les peuples barbares sont les descendans des Troyens, puisqu’en effet tous, ou du moins presque tous, s’ils se préparent à faire la guerre, ou même s’ils doivent affronter quelque grand péril, ont