Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/773

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
765
POLYBE, LIV. XII.

coutume d’immoler un cheval, et cherchent à deviner l’avenir par sa chute. (Ibid., apud Ang. Mai. et Jacob. Geel.)


Ainsi Timée, dans ce document de sa démence, laisse voir non-seulement son inhabileté, mais encore son incapacité, lorsque, à propos du sacrifice d’un cheval, il suppose que cette coutume des Romains vient de ce qu’ils croient que ce fut au moyen d’un cheval qu’Ilion fut prise. Nous pouvons juger par là combien Timée doit être fautif dans ses détails sur la Libye, sur la Sardaigne, et surtout sur l’Italie, En général, on doit aussi lui reprocher d’avoir négligé la critique des faits, bien que ce soit la partie la plus essentielle de l’histoire. Et en effet, puisque les événemens s’accomplissent dans plusieurs endroits en même temps, et qu’on ne peut supposer que le même homme soit à la fois dans plusieurs lieux ; puisqu’il devient également impossible qu’un seul soit témoin oculaire de tout ce qui se passe dans l’univers et des faits particuliers à chaque pays ; il ne reste à l’historien d’autre ressource que de recueillir beaucoup d’informations, de n’admettre que celles qui sont dignes de foi, et de se montrer juge éclairé des récits qu’on lui fait. (Ibid.)


Or, dans ce devoir de l’historien, Timée, quoiqu’il s’en fasse beaucoup accroire, ne m’en paraît pas moins s’être fort écarté de la vérité. Comment, en effet, pourrait-il écrire exactement l’histoire d’après le témoignage des autres, lui qui ne sait rien donner de raisonnable sur des faits qu’il a vus et sur des lieux qu’il a visités ? On n’en pourra douter, si nous montrons qu’il ne connaît pas les événemens de Sicile dont il a fait l’histoire. Nous prouverons même, sans qu’il soit besoin de longs discours pour le démontrer, qu’il est ignorant et infidèle en parlant des lieux les plus célèbres parmi ceux où il est né et où il a été élevé. Il avance, par exemple, que la fontaine Aréthuse, qui est à Syracuse, prend sa source jusque dans le Péloponnèse, au milieu des eaux du fleuve Alphée, qui traverse l’Arcadie et le territoire d’Olympie. Il prétend que ce fleuve disparaît sous terre l’espace de trois mille stades, et roule sous la mer de Sicile pour ne reparaître qu’à Syracuse. Ce fait fut démontré, ajoute Timée, à la suite de pluies qui, vers l’époque de la célébration des jeux Olympiques, tombèrent en si grande abondance que le fleuve inonda l’enceinte sacrée. On vit alors la fontaine Aréthuse rejeter une grande quantité de la fiente des bœufs qui avaient été immolés dans la cérémonie : elle rejeta même une fiole d’or que l’on recueillit et qu’on reconnut pour avoir servi à cette solennité. (Ibid.)


En raisonnant d’après ces faits, on se rangera plutôt de l’avis d’Aristote que de celui de Timée ; car l’opinion qui précède est tout-à-fait déplacée. N’est-il pas ridicule de vouloir prouver, comme Timée essaie de le faire, qu’il soit contraire à la raison que les serviteurs des Lacédémoniens qui combattaient dans leurs rangs aient reporté sur les amis de leurs maîtres l’affection qu’ils avaient pour eux ? Ne sait-on pas que ceux qui ont été esclaves, si par hasard la fortune les favorise et que le temps en soit venu, cherchent à s’attribuer avec leurs maîtres non-seulement des rapports de bienveillance, mais encore d’hospitalité et même de parenté,