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POLYBE, LIV. XII.

se montrent aussi inhabiles dans la pratique, que ceux qui n’auraient jamais lu un traité de médecine. Et en effet, quelques personnes que leur langage avait séduites, et qui, d’ailleurs, n’avaient aucune maladie grave, se sont vues souvent dans le plus grand péril pour s’être confiées à eux ; car ces médecins-là ne ressemblent pas mal aux pilotes qui voudraient gouverner un vaisseau avec un livre. Cependant, lorsque, parcourant les villes avec un pompeux appareil, ils débitent de longues phrases avec l’assurance que leur donne leur célébrité, ils mettent dans le plus grand embarras ceux qui n’ont que leurs œuvres pour témoignage de leur talent ; bien plus, ils les livrent au mépris de l’auditoire, avantage qu’un langage persuasif donne trop souvent sur la pratique et l’expérience. Pour la troisième division de la médecine, qui cependant traite du fond réel des deux autres parties, non-seulement elle est peu pratiquée, mais souvent encore, grâce au défaut de jugement du plus grand nombre, elle est éclipsée par le charlatanisme et l’audace. (Ibid.)


Il en est de même de l’histoire pratique, qui se divise en trois parties : l’une, qui consiste à faire des investigations dans les mémoires et à en extraire des matériaux ; l’autre, qui a pour objet l’observation des villes et des lieux, des fleuves et des ports, en général des particularités et des distances que présentent la terre et la mer ; enfin la troisième, qui traite des faits politiques. De même que pour la médecine, beaucoup se livrent à cette dernière partie de l’histoire, déterminés par le préjugé qui s’y attache, et la plupart n’apportent à cette tâche d’autre talent que leur habileté, leur audace, et leur fourberie ; semblables aux charlatans, ils ne visent qu’à produire de l’effet, à capter la bienveillance du public, et à saisir l’occasion de se procurer de quoi vivre. Cette espèce de gens ne mérite pas que j’en parle davantage. (Ibid.)


Quelques-uns, au contraire, qui paraissent se livrer avec intelligence à la composition de l’histoire, semblables aux médecins habiles qui, aussitôt après avoir fait des recherches dans les livres et recueilli des matériaux, se jugent capables de se mettre à l’œuvre..... Il est utile de dire les circonstances où se sont trouvés ces hommes, et les vicissitudes qu’ils ont subies dans les temps passés ; car la connaissance du passé nous fait réfléchir aux choses de l’avenir, si toutefois l’historien a été vrai dans ses récits. Mais celui qui croirait (et Timée l’a cru) que cette science suffit pour écrire avec talent l’histoire des faits récens, commettrait une insigne erreur : ce serait comme si, après avoir vu des tableaux de peintres anciens, on se croyait non-seulement peintre, mais encore peintre habile. (Ibid.)


Ce que je viens d’avancer, paraîtra encore plus évident par ce qui va suivre, et surtout par ce qui est arrivé à Éphore dans quelques passages de son Histoire. Et en effet, cet historien me semble avoir eu jusqu’à un certain point la connaissance des combats de mer, mais nullement des combats de terre. Aussi, quand on étudiera dans Éphore les combats maritimes livrés près de Chypre et de Cnide ; quand on l’entendra parler de ceux que les géné-

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