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POLYBE, LIV. XII.

l’auraient mérité davantage. — C’était leur dire que toutes leurs espérances ne se tournaient point du côté des Syracusains, mais qu’ils mettaient leur confiance en eux-mêmes, et qu’ils feraient un appel à tous ceux qui voudraient se présenter à cette lutte pour en obtenir la couronne due au mérite. Timée lui allonge tellement ses discours sur chacune de ces choses, il met tant de zèle à faire de la Sicile un état plus puissant que la Grèce tout entière, il s’efforce tant à faire ressortir tout ce qui s’y fait comme plus beau et plus grand que partout ailleurs, il élève tellement la sagesse des Syracusains si habiles et si supérieurs dans la conduite des affaires, qu’il ne laisse plus d’hyperbole à trouver pour des écoliers qui voudraient, dans leurs matières, s’exercer sur des sujets admiratifs ; comme, par exemple, l’éloge de Thersite, la critique de Pénélope, ou quelque autre futilité du même goût. (Ibid.)


Il résulte d’une telle exagération du style et d’un tel abus d’expressions, que l’historien s’expose à faire déprécier les hommes et les choses qu’il voulait placer dans un jour favorable. Il en est à peu près d’eux comme de ces académiciens qui courent après l’éloquence et qui affectent de changer à chaque instant de terrain. Pour embarrasser leurs adversaires dans des choses tantôt évidentes, tantôt obscures, ils entremêlent des fables si extraordinaires, ils prodiguent des argumens si nombreux et de telle nature, qu’ils vous amènent véritablement à douter si ceux qui sont à Athènes ne sentiraient point l’odeur des œufs qu’on cuit à Éphèse, et si vous êtes bien réellement dans l’académie conversant avec eux sur tout cela, ou plutôt assis tranquillement chez vous à parler de toute autre chose. C’est par cette manière fausse et outrée qu’ils exposent à la calomnie leur secte entière, et qu’ils ne trouvent plus de confiance dans le public pour les questions qu’ils proposent. Aussi, non-seulement ils manquent leur but, mais encore ils créent chez les jeunes gens une sorte de maladie ; c’est qu’au lieu de s’adonner à l’étude de la morale, de la politique et de l’éloquence, qui seules peuvent être utiles aux hommes, ils perdent leur vie dans une vaine ostentation de paradoxes inutiles. (Ibid.)


C’est ce qui, en écrivant l’histoire, est arrivé à Timée et à ses imitateurs. Comme il raconte en effet des choses merveilleuses et qu’il soutient obstinément ce qu’il a avancé, il excite souvent une vaine admiration, et persuade par l’apparence de la vérité. Il va même jusqu’à défier les doutes, et semble vouloir convaincre par ses argumens ; et cela lui arrive surtout lorsqu’il entre dans des descriptions de colonies ou de villes bâties et alliées. Dans cette partie de ses ouvrages, il se montre si minutieux dans ses propres recherches, et si intolérant pour les autres, qu’il semblerait que tous les écrivains ont dormi en présence des faits, qu’ils n’ont été que d’apathiques habitans de l’univers, tandis que lui seul se serait livré à des recherches exactes et porterait des jugemens équitables sur tous les points de l’histoire. Et cependant on peut dire que, s’il y a quelques bonnes choses dans ce qu’il écrit, il ne s’y rencontre pas moins de mensonges. (Ibid.)


Mais ceux des lecteurs de Timée qui se sont le plus livrés à l’étude de ses commentaires dans lesquels sont dé-