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POLYBE, LIV. XV.

bles. » Telle fut à peu près la harangue d’Annibal.

Tout étant prêt pour le combat, et les cavaliers numides ayant long-temps escarmouché les uns contre les autres, Annibal donna ordre de mener les éléphans aux ennemis. Le son des trompettes effraya tellement quelques-uns de ces animaux, que, s’étant mis à reculer, ils jetèrent le désordre dans les Numides auxiliaires des Carthaginois, désordre dont Massinissa profita pour renverser leur aile gauche. Le reste des éléphans s’avança entre les deux armées dans la plaine, et fondit sur les vélites des Romains. Ils souffrirent là beaucoup et firent beaucoup souffrir ; mais enfin, épouvantés, il se retirèrent en partie par les espaces que Scipion avait prudemment ménagés pour qu’ils ne nuisissent pas à son ordonnance, en partie le long de l’aile droite, d’où la cavalerie, à coups de traits, les chassa jusque hors du champ de bataille. Lélius saisit le temps de ce tumulte pour courir sur la cavalerie carthaginoise, qui tourna le dos et s’enfuit à toute bride. Lélius la poursuivit avec ardeur, pendant que Massinissa faisait la même chose de son côté.

Pendant ce temps-là, l’infanterie, de part et d’autre, s’avançait, à pas lents et en bonne tenue, à l’exception de celle qu’Annibal avait amenée d’Italie, laquelle demeura dans le poste qui lui avait été d’abord donné. Quand on fut proche, les Romains, criant selon leur coutume et frappant de leurs épées sur leurs boucliers, se jettent sur les ennemis. Du côté des Carthaginois, les étrangers soudoyés, composés de différentes nations, jettent des cris confus tout différens les uns des autres. Comme on ne pouvait se servir ni de javelines, ni même d’épées, et que l’on combattait main à main, les étrangers eurent d’abord quelque avantage sur les Romains par leur agilité et leur hardiesse. Cependant ceux-ci, l’emportant par leur ordre et la nature de leurs armes, gagnent du terrain, encouragés par la seconde ligne qui les suivait, au lieu que les étrangers n’étant ni suivis ni secourus des Carthaginois perdent courage, lâchent pied, et, se croyant abandonnés, tombent en se retirant sur ceux qui étaient derrière eux et les tuent. Ceux-ci se trouvent contraints de défendre courageusement leur vie, de sorte que les Carthaginois, attaqués par les étrangers, se virent, contre leur attente, deux ennemis à combattre, les Romains et leurs propres troupes, et dans cette confusion il y en eut un assez bon nombre qui perdirent la vie : ce qui jeta aussi le désordre parmi les hastaires.

Alors les officiers des princes opposèrent leurs troupes pour les arrêter et les rallier, d’où il arriva que la plupart des étrangers et des Carthaginois périrent en cet endroit, taillés en pièces en partie par eux-mêmes, en partie par les hastaires. Annibal ne voulut pas souffrir que les fuyards se mêlassent parmi ceux qui restaient. Loin de là, il ordonna au premier rang de leur présenter la pique, ce qui les obligea de se retirer le long des ailes dans la plaine. L’espace entre les deux armées étant alors tout couvert de sang, de morts et de blessés, Scipion se trouva dans un assez grand embarras ; car comment faire marcher ses troupes en bon ordre par-dessus cet amas confus d’armes et de cadavres encore sanglans et entassés les uns sur les autres ? Cependant Scipion ordonne qu’on porte les blessés derrière l’armée ; il fait sonner la retraite pour les hastaires qui poursuivaient, les place vis-à-vis du centre des ennemis en attendant une nouvelle