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POLYBE, LIV. XV.

au secours d’un gendre qui, loin d’avoir été maltraité, avait usé de mauvaise foi. En second lieu, en faisant injustement souffrir à une ville grecque les maux les plus horribles, il confirmait les peuples dans l’opinion qu’ils avaient de la cruauté avec laquelle il traitait ses alliés, et il ne fallait que ces deux choses pour le faire passer pour un homme sans respect pour les dieux. D’ailleurs c’était faire une insulte atroce aux ambassadeurs de ces villes. Ils étaient venus pour délivrer les Cianiens des maux dont ils étaient menacés ; ils n’y étaient venus que parce que lui-même les y avait exhortés et pressés même avec instance, et ils ne sont pas plutôt arrivés qu’il les rend spectateurs des choses qu’ils craignaient le plus. Ajoutez à cela qu’il indisposa tellement les Rhodiens contre lui qu’ils ne purent plus en entendre parler. Et le hasard aida beaucoup à leur inspirer cette haine ; car pendant que son ambassadeur tâchait dans le théâtre de justifier sa conduite, et leur vantait la générosité de Philippe qui, maître en quelque sorte de leur ville, les avait laissés jouir de leur liberté, tant pour détruire les calomnies que ses ennemis avaient répandues, que pour donner aux Rhodiens des preuves du bien qu’il leur voulait, je ne sais quel homme, arrivant de la flotte dans le Prytanée, annonça la prise de la ville des Cianiens, et les cruautés que Philippe y avait exercées. Cette nouvelle, annoncée au milieu du discours de l’ambassadeur par le premier magistrat des Rhodiens, surprit si étrangement l’assemblée, qu’on ne pouvait se persuader que Philippe eût été capable d’une si étrange perfidie. Cependant ce prince, après s’être plus trompé lui-même qu’il n’avait trompé les Cianiens, s’aveugla de telle sorte qu’au lieu de rougir et de mourir de honte de ce qu’il avait fait, il s’en glorifiait comme de la plus belle action de sa vie. Aussi, depuis ce jour-là, les Rhodiens le regardèrent-ils comme leur ennemi, et firent des préparatifs pour s’en venger. Cette même action lui attira aussi la haine des Étoliens. Il s’était depuis peu remis en paix avec eux, et leur tendait les mains ; peu de temps auparavant, il avait fait alliance avec les Étoliens, les habitans de Lysimachie, les Chalcédoniens et les Cianiens. Malgré cela, il commença par éloigner, sans aucun prétexte, les Lysimachiens de l’alliance qu’ils avaient avec les Étoliens ; il fit ensuite passer sous le joug les Chalcédoniens, et après eux les Cianiens, quoique celui qui commandait dans la ville et qui gouvernait tout, y fût mis de la part des Étoliens. À l’égard de Prusias, il eut beaucoup de joie de voir son entreprise heureusement terminée ; mais voyant qu’un autre en emportait tout l’avantage, et qu’il n’avait pour sa part qu’une ville dont il ne restait plus que le terrain, il en fut sensiblement touché. Mais le mal était sans remède. (Dom Thuillier et Angelo Mai.)


Mauvaise foi du même envers les Thasiens.


Ce prince, après avoir fait sur la route mille injustices contre la foi des traités, prit terre chez les Thasiens, et réduisit en servitude leur capitale, quoiqu’elle eût fait alliance avec lui.

..... Les Thasiens disaient à Métrodore, général de Philippe, qu’ils livreraient leur ville à condition d’être exempts de garnison et de tributs ; qu’ils ne seraient pas des hôtes forcés, et pourraient continuer à vivre sous leurs propres lois..... Métrodore leur répondit que le roi leur concédait l’immunité de toute garnison, de tout tribut, de toute hospitalité forcée, et l’autorisation de vivre sous leurs propres lois. Ces pro-