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POLYBE, LIV. XVII.

commencer, mais au Romain ; que cependant il serait bien aise de savoir ce qu’il aurait à faire pour obtenir la grâce de vivre en paix. « Ce que l’on veut que vous fassiez, répondit Flaminius, est simple et clair : je vous ordonne de retirer vos troupes de toute la Grèce, de rendre à chacun les transfuges et les prisonniers que vous retenez, de livrer aux Romains toutes les places d’Illyrie que vous avez envahies depuis la paix faite en Épire, et de rendre à Ptolémée toutes les villes dont vous vous êtes emparé depuis la mort de Ptolémée Philopator. » Puis se tournant vers les autres ambassadeurs, il leur dit de déclarer les ordres qu’ils avaient reçus de ceux qui les avaient envoyés. Dionysidore parla le premier, et demanda que Philippe rendît à Attalus les vaisseaux et les prisonniers qu’il avait pris à la bataille de Chio, et qu’il réparât en entier le temple de Vénus et le Nicéphore qu’il avait renversés. Après lui, Acésimbrote, amiral des Rhodiens, voulut que Philippe restituât aux Rhodiens la Pérée qu’il leur avait enlevée ; de faire sortir d’Iasse, de Bargyle et d’Euromée les garnisons qu’il avait mises dans ces trois villes ; qu’il rétablît les Périnthiens dans la forme de gouvernement qui leur était commune avec les Byzantins, et enfin qu’il se retirât de Sestos, d’Abydos et de tous les ports de l’Asie. Les Achéens parlèrent ensuite, et demandèrent Corinthe et Argos. Après eux Phéneas dit qu’il fallait que Philippe sortît de toute la Grèce, comme les Romains l’avaient demandé ; et qu’il rendît aux Étoliens saines et entières les villes qui auparavant vivaient sous les mêmes lois qu’eux.

Alexandre, surnommé l’Isien, prit ensuite la parole. C’était un homme en réputation d’éloquence et d’habileté dans les affaires. « Le roi de Macédoine ne fait, dit-il, ni la paix avec droiture, ni la guerre avec honneur. Dans les conférences et les négociations il n’est occupé qu’à tendre des piéges, à épier vos endroits faibles, à vous saisir par là comme ferait un ennemi. S’il est question de guerre, rien de plus injuste et de plus lâche que sa manière de combattre. Il ne se présente pas de front aux ennemis ; il leur tourne le dos, et, en fuyant, réduit en cendres ou met au pillage les villes qui sont sur sa route ; et, par cet odieux procédé, vaincu il enlève aux vainqueurs le prix et la récompense de leurs victoires. Quelle différence entre cette conduite et celle de ses prédécesseurs ! C’était toujours à découvert et en bataille rangée qu’ils combattaient ; rarement on les voyait détruire et renverser les villes. Je n’en veux pas d’autre preuve que la guerre qu’Alexandre fit à Darius dans l’Asie, et celle que ses successeurs eurent contre Antigonus pour l’empire de l’Asie qu’il leur avait laissé. Jusqu’à Pyrrhus, on remarque toujours dans la maison de Macédoine la même générosité, les mêmes maximes. C’est toujours en pleine campagne qu’ils se battent ; ils n’omettent rien pour vaincre par les armes ; mais ils épargnent les villes, afin que les victorieux y règnent et y aient des sujets dont ils soient honorés. Au fond, c’est être insensé et furieux que de ruiner ce pour quoi l’on fait la guerre, et de ne la point faire. Telle est cependant la manière d’agir de ce roi : quoique allié et ami des Thessaliens, lorsqu’il sortit des détroits de l’Épire, il leur a détruit plus de villes que n’en ont jamais détruit tous ceux contre qui ils ont