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POLYBE, LIV. XVII.

été en guerre. » Après quelques autres reproches semblables, il finit en demandant à Philippe pourquoi il avait chassé de Lysimachie, ville alliée des Étoliens, le préteur qui y était de la part de ce peuple, et y avait mis garnison ; comment, étant ami des Étoliens, il avait eu l’audace de réduire en servitude les Cianiens qui se gouvernaient selon les mêmes lois ; quelle raison il avait de retenir Échine, Thèbes, Phthie, Pharsale et Larisse.

Après ce discours, Philippe s’approcha de la terre, et, se tenant debout sur son vaisseau : « On ne devait attendre d’un Étolien, dit-il en parlant d’Alexandre, qu’une déclamation de théâtre ; car qui ne sait que personne de soi-même ne se porte à faire tort à ses propres alliés ; mais que les chefs se rencontrent quelquefois dans des conjonctures où ils sont fâchés d’agir contre leurs inclinations ? » Il parlait encore, lorsque Phéneas, qui avait la vue très-faible, l’interrompit durement, en lui disant qu’il extravaguait et qu’il devait ou vaincre en combattant, ou recevoir la loi des vainqueurs. « Un aveugle même voit clair dans cette vérité, » reprit vivement Philippe, qui était naturellement railleur, et qui, jusque dans cette occasion, où il n’avait pas sujet de rire, se laissa aller à son penchant. Ensuite, se tournant vers Alexandre : « Vous me demandez, dit-il, pourquoi je me suis emparé de Lysimachie : c’est de peur que les Thraces ne s’en rendissent les maîtres et ne la renversassent, malheur qui ne lui serait point arrivé, si cette guerre ne m’eût obligé d’en rappeler les troupes que j’y avais mises, non pour y avoir garnison, comme vous le dites, mais pour la mettre à couvert d’invasion. Je n’ai pas fait non plus la guerre aux Cianiens ; mais, allant au secours de Prusias, qui était en guerre avec eux, je lui ai aidé à les défaire. Mais c’est vous, Étoliens, qui êtes la cause de leur ruine. Nous vous avons demandé plusieurs fois, les autres peuples de la Grèce et moi, par nos ambassadeurs, que vous abrogeassiez la loi qui vous permet de prendre des dépouilles sur les dépouilles mêmes ; et vous nous avez répondu, que vous ôteriez plutôt l’Étolie de l’Étolie, que de révoquer cette loi. » Flaminius fut fort étonné d’entendre ce langage, et pour le lui faire concevoir, le roi dit : que parmi les Étoliens il était permis de piller le pays non-seulement de ceux avec qui ils sont en guerre, mais encore des peuples qui se font la guerre les uns aux autres, quoique ces peuples soient leurs amis et leurs alliés. « Il leur est, ajouta-t-il, permis, quoiqu’il n’y ait pas là-dessus de décret public, de porter les armes pour les uns et pour les autres, et de butiner sur les terres des uns et des autres. Chez eux, tous les droits de l’amitié et de la haine sont confondus. Qu’il naisse un différend chez leurs voisins, on est sûr de les avoir pour ennemis. Ne leur sied-il pas bien après cela de me reprocher qu’étant ami des Étoliens et allié de Prusias, j’aie fait quelque tort aux Cianiens en secourant un de mes alliés ? Mais ce qui me choque à l’excès, c’est que ces orgueilleux vont de pas égal avec les Romains ; ils ordonnent, comme eux, que les Macédoniens vident la Grèce. Je pardonne aux Romains ce ton impérieux ; mais que les Étoliens le prennent, cela n’est pas supportable. Mais dites-moi, je vous prie, qu’entendez-vous par la Grèce dont vous voulez que je sorte ? dans quelles bornes la renfermez-vous ? car la plu-